lundi 26 novembre 2012

L'intensité du devoir d'information varie en fonction du degré d'expertise de la partie adverse

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En droit contractuel, on parle maintenant beaucoup du devoir d'information qui pèse sur les parties respectives. La question pertinente n'est pas tant de savoir si les parties ont un tel devoir, mais plutôt d'en déterminer l'intensité. À ce chapitre, dans Groupe SNC-Lavalin inc. c. St-Paul Guarantee Insurance Company (2012 QCCA 2076), la Cour d'appel indique que l'intensité du devoir d'information est faible lorsque la partie adverse a un grand degré d'expertise en la matière.


En novembre 2004, l'Appelante découvre qu'elle est victime d'une fraude commise par l'un de ses employés. Elle en avise son assureur, l'Intimée, qui accepte de rembourser son assurée, mais uniquement à compter de la délivrance de sa première police d'assurance. L’Intimée nie couverture pour la période antérieure à celle-ci.
 
Puisque l'Appelante possédait préalablement une assurance du même type émise par un autre assureur, elle considère que son assureur au moment de la découverte de la fraude (l'Intimée), est tenue de l’indemniser en vertu du contrat d’assurance. Subsidiairement, l'Appelante fait valoir que, si ce n'est pas le cas, l'Intimée avait l'obligation de l'aviser de ce fait lors de la négociation de la police.
 
La Cour d'appel en vient à la conclusion que l'Intimée n'avait pas ce devoir en l'instance. En effet, à la lumière de la grande expertise de l'Appelante en la matière (elle possède un département complet pour traiter des questions relatives aux assurances), l'intensité du devoir d'information de l'Intimée était particulièrement faible:
[60] L’appelante soutient que la juge de première instance a erré en écartant les témoignages de MM. Boutary, Couillard et Illick, pour ne retenir que celui de Mme Delaney. Elle argue que l’intimée a manqué à son obligation de renseignement à son égard et que cette faute engage sa responsabilité. Qu’en est-il de l’obligation de renseignement de l’assureur envers l’appelante? 
[61] L'intimée St-Paul avait une obligation civile précontractuelle de renseignement et elle s'en est adéquatement acquittée. Cette obligation d’information ou de renseignement découle de la bonne foi (art. 1375 C.c.Q.) qui doit prévaloir dans les échanges précontractuels entre l’assureur ou, le cas échéant, son mandataire et l’assuré potentiel. Comme un contrat d’assurance a toutefois été conclu par les parties, on peut tout aussi bien parler d’une obligation contractuelle de renseignement de la part de l’assureur. 
[62] Il faut, toutefois, préciser que l’intensité de l’obligation de renseignement de l’intimée n’est pas, en l’espèce, particulièrement élevée. La juge voit juste lorsqu’elle qualifie SNC-Lavalin de cliente avertie en matière d’assurance. Cette conclusion de fait trouve amplement appui dans la preuve. 
[63] L’obligation de St-Paul était d'autant plus limitée que SNC-Lavalin était une cliente potentielle particulièrement bien informée du domaine de l’assurance. Cette dernière n’était ni apprentie, ni novice, ni une personne inexpérimentée, sans ressources. Au contraire, elle possédait ses propres services d’assurance et de gestion du risque. Elle était loin d’être démunie et, encore moins, en position d’infériorité par rapport à l’intimée. Il suffit, pour s’en convaincre, de prendre connaissance des services internes dont elle s’était munie depuis un bon moment déjà.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/V6jxPg

Référence neutre: [2012] ABD 429

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