lundi 26 novembre 2012

La clause pénale constitue une évaluation anticipée des dommages-intérêts en cas de bris du contrat, réitère la Cour d’appel du Québec

par Hassan Trabulsi
Étudiant en droit

Les tribunaux québécois ont souvent traité de la question des clauses pénales à l’intérieur des contrats. La Cour d’appel revient sur cette question dans le contexte des rapports individuels de travail, plus spécifiquement dans l’affaire Walker c. Norcan Aluminium inc. (2012 QCCA 2042). Avant d’entamer les faits, il convient de se rappeler l’article 1622 du C.c.Q qui traite de ce type de clauses:
 

1622. La clause pénale est celle par laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n'exécuterait pas son obligation. 
Elle donne au créancier le droit de se prévaloir de cette clause au lieu de poursuivre, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation; mais il ne peut en aucun cas demander en même temps l'exécution et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard dans l'exécution de l'obligation.
La trame factuelle
 
Le 11 octobre 2007, M. Walker a signé un contrat d’une durée de trois ans avec l’entreprise Norcan Aluminium inc. Cette dernière lui avait confié le poste de responsable des ventes en Ontario en contrepartie d’un salaire de 100 000$ par année, plus bonus et allocation pour son véhicule. Le 18 février 2008, Norcan Aluminium décide de mettre fin au contrat parce qu’il constituait un fardeau financier important par rapport aux ventes générées en Ontario.
 
M. Walker devient représentant aux ventes pour une autre entreprise de mars à décembre 2008. Par la suite, il devient représentant indépendant de divers fournisseurs dont il perçoit des commissions. Ses revenus bruts d'entreprise en 2009 sont de 45 847 $ et en 2010 d'environ 60 000 $.
 
Par action entreprise en avril 2008, l'appelant réclame 25 000$ pour trois mois de salaire, 1 200$ d’allocation de voiture et 50 % du salaire de base pour la période du 23 mai 2008 au 28 octobre 2010, pour un total de 154 478,68 $.
 
En première instance, la juge accepte la preuve à l’effet que le congédiement était sans cause juste et suffisante. En reconnaissant qu’il s’agissait d’un contrat à durée déterminée, elle est d’avis que le montant prévu à la clause pénale 11.1 c) constitue un préavis de cessation d’emploi et octroie à M. Walker un montant de 4522, 37$.
 
L’appelant se pourvoi contre cette décision devant la Cour d’appel du Québec.
 
Au nom de la majorité, le juge Dalphond nous rappelle que, suivant l’article 2086 du C.c.Q, la durée d’un contrat individuel de travail peut être déterminée ou indéterminée. Lorsqu’on est en présence d’un contrat à durée indéterminée, l’employeur ou l’employé peut mettre fin au contrat de travail sans motif, pourvu qu’un délai de congé raisonnable ou un préavis soit donné à l’autre partie. Dans le cas en l’espèce, les deux parties s’entendent sur la nature du contrat et déclarent qu’elles ont voulu conclure un contrat de travail à durée déterminée, régi par le droit québécois.
 
La clause pénale 11.1 c) prévue dans le contrat en question mérite d’être lue afin d’en comprendre la portée :
Termination of Employment 
11.1 The parties understand and agree that employment pursuant to this Agreement may be terminated in the following manner in the specified circumstances: 
[…] 
[c] by the Employer in its absolute discretion and for any reason on giving the Employee 3 months' advance notice in writing and paying to the Executive (sic) 50 % of the remaining term of the contract, being his remaining years base annual salary. In addition the Employee shall be paid accrued vacations entitlements, commissions, and bonuses payable and accrued as per article 5. This applies only to commissions and bonuses earned in a fiscal year and payable under the dispositions of article 5.1. The payments contemplated in this paragraph include all entitlement to either notice of pay in lieu of notice and severance pay under the Employment Act of Quebec and other legislation of the Province of Ontario (sic). In the event the minimum statutory requirements as at the date of termination provide for any together (sic) right or benefit than that provided in this Agreement, such statutory requirements will replace the payments contemplated under this Agreement. The Employee agrees to accept the notice or pay in lieu of notice as set out in this paragraph in full and final settlement of all amounts owing to him by the Employer on termination, including any payment in lieu of notice of termination, entitlement of the Executive (sic) under any applicable statute and any rights which the Executive (sic) may have at common law, and the Employee hereby waives and claim to any other payment or benefits from the Employer.
Il ressort clairement que les parties ont voulu prévoir les modalités et conséquences d'une terminaison prématurée du contrat à durée déterminée dans la clause suscitée. Par conséquent, la Cour d’appel n’a eu aucune hésitation à confirmer que l’appelant peut se prévaloir de cette clause pénale sans avoir à prouver le préjudice subi, ce qui signifie que l’obligation de mitiger est alors inapplicable. Cela découle du caractère forfaitaire et péremptoire de la clause pénale.
 
La Cour d’appel conclut que l’appelant a droit à un montant de 153 278$, ce qui représente le salaire de trois mois de travail plus 50% du salaire pour la période restante du contrat à compter de la fin de ces trois mois. 
 
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/SoB9Bp

Référence neutre: [2012] ABD 430

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