dimanche 25 novembre 2012

Dimanches rétro: l'interprétation restrictive des clauses boomerang

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Les clauses boomerang (communément appelées clauses shotgun) sont des mécanismes puissant de règlement de différends lorsque utilisées de manière appropriée. Par ailleurs, leur effet est drastique puisque l'on parle essentiellement d'un droit contractuel d'expropriation. C'est pourquoi la Cour d'appel, dans sa décision charnière sur la question de 2008 dans Trépanier c. Trépanier, a posé le principe voulant que de telles clauses sont d'interprétation stricte et restrictive.


Dans cette affaire, la Cour d'appel est saisie d'un pourvoi dans lequel elle doit juger de la conformité d'un projet de convention d'achat d'actions avec le mécanisme de clause boomerang qui est prévu dans la convention unanime entre actionnaires en vigueur entre les parties. En effet, l'Intimé, auquel l'Appelant a signifié un avis d'exercice de ladite clause boomerang, refuse de donner suite à ce processus en raison du fait que la convention qui lui est soumise ne respecte pas le libellé strict de la clause.
 
Le juge de première, après analyse de la convention soumise par l'Appelant, en est venu à la conclusion que la prétention de l'Intimé était correcte et que l'offre soumise ne respectait pas les préceptes de la clause boomerang.
 
La Cour d'appel, dans un jugement unanime rédigé par l'Honorable juge France Thibault, confirme la décision de première instance. La juge Thibault souligne d'ailleurs que le mécanisme d'une clause boomerang correspond essentiellement à de l'expropriation contractuelle, de telle sorte qu'il importe d'interpréter restrictivement le libellé d'une telle clause:
[37] Je suis d'avis que le juge de première instance a eu raison de rejeter l'action des appelants pour deux motifs. Premièrement, le projet d'acte de vente qui y était joint n'était pas conforme à l'offre de l'intimé. Deuxièmement, les autres projets de vente ont été déposés tardivement. 
[38] En ce qui concerne la condition de conformité du projet de vente proposé, je rappelle que les clauses shotgun sont, à toutes fins utiles, de la nature d'une expropriation. Elles doivent être interprétées restrictivement comme en fait état une jurisprudence unanime. Il appartenait aux appelants de démontrer que le contrat de vente proposé à l'intimé était, sur les points essentiels, conforme à l'offre de ce dernier. 
[39] En l'espèce, la question fiscale était cruciale puisque l'existence d'un lien de dépendance entre la société commerciale acheteuse et l'intimé était susceptible de faire perdre à ce dernier une partie appréciable du prix de vente de ses actions. 
[40] Or, les éléments de preuve précités, non contestés, permettent de conclure à l'existence d'un contrôle de factopar l'appelant de la société commerciale acheteuse, une situation qui ne respecte pas la clause 6.4 de l'offre de l'intimé et qui est susceptible d'avoir un impact majeur sur le prix de ses actions.  
[41] En ce qui concerne les projets de vente déposés en 2006, le juge de première instance a eu raison de conclure qu'ils étaient irrecevables parce que tardifs. Le procédé utilisé par les appelants n'est pas acceptable puisqu'il conduit à la reconnaissance du droit de négocier les conditions de l'offre. Or, permettre la négociation ou la modification des conditions de l'offre dénature l'objectif de la clause shotgun et place l'offrant dans une position de vulnérabilité non souhaitable. En effet, lorsqu'il déclenche l'exercice d'une telle clause, l'offrant sait que son offre peut lui être retournée et que, le cas échéant, il sera assujetti aux conditions qu'il a lui-même proposées. Sans cet élément essentiel du renvoi sans modifications, il n'est plus possible de parler de clause shotgunni d'en reconnaître les effets draconiens. 
[42] Certes, les conditions de l'action en exécution forcée, même lorsqu'elles découlent d'une clause shotgun, ne doivent pas être appliquées de façon tatillonne pour éviter de faire échec, sans motif valable, à un accord de volonté, mais il est nécessaire que l'acte proposé soit conforme à l'offre dans ses aspects essentiels.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/QEhVeo

Référence neutre: [2012] ABD Rétro 7

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