mercredi 28 novembre 2012

L'expert de la partie adverse n'est pas un de ses agents au sens des articles 397 ou 398 C.p.c.

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans certaines circonstances exceptionnelles, les tribunaux québécois ont accepté d'un expert soit interrogé au préalable dans un litige civil (voir notre billet de mars 2012 sur la question: http://bit.ly/Tu8YT5), mais seulement sur les faits qu'il a constaté personnellement. Dans Acadia Subaru c. Michaud (2012 QCCS 5653), l'Honorable juge Dominique Bélanger est par ailleurs saisie de la prétention d'une partie que, non seulement on peut interroger au préalable un expert, mais que la permission de la Cour n'est pas nécessaire puisque celui-ci est l'agent de la partie qui l'a engagé au sens des articles 397 et 398 C.p.c.


Dans cette affaire, les Demanderesses recherchent l'autorisation d'interroger au préalable l'expert de la partie adverse. Dans le cadre de ce débat, elles font, entre autres moyens, valoir que l'expert est l'agent de la partie qui a retenu ses services et que l'autorisation de la Cour n'était même pas nécessaire.
 
La juge Bélanger rejette cette prétention. Pour elle, afin d'être un agent, il faut avoir le pouvoir d'agir au nom d'une partie, ce qui n'est pas le cas d'un expert ordinaire:
[14] Il est vrai qu’en certaines occasions, un expert a été reconnu comme étant l’agent d’une partie au dossier. Par exemple, l’expert en sinistre ou l’ingénieur qui s’est vu confier la tâche, par un assureur, de faire enquête auprès des témoins peut être un agent de cet assureur. 
[15] Dans l’affaire La Prévoyance, la Cour d’appel est arrivée à cette conclusion, estimant que l’expert en sinistre était, en toute probabilité, la seule personne au courant des faits du sinistre et capable de répondre aux questions soulevées par les allégations de la défense. 
[16] Cette affaire fait ressortir le lien particulier qui doit exister entre l’agent et la partie, soit le fait que l’agent est chargé d’agir au nom de la partie. Selon la Loi sur les assurances, telle qu’elle existait à l’époque, l’expert en sinistre était chargé d’enquêter, d’évaluer les dommages et de négocier le règlement du sinistre. 
[17] Plus récemment, madame la juge Claudine Roy, j.c.s., soulignait que le terme agent peut viser un administrateur, un officier ou un mandataire d’une société. Bref, il s’agit d’une personne qui a autorité pour engendrer des relations légales.  
[18] Elle ajoute que l’article 398 C.p.c. n’a pas pour but de permettre l’interrogatoire hors cour des personnes qui seront appelées à témoigner lors du procès, mais qu’il vise plutôt à assurer une meilleure divulgation de la preuve par l’interrogatoire de la partie adverse. Le Tribunal est en accord avec cette proposition qui s’applique bien ici. 
[19] Rien dans les procédures ne démontre que la firme de sondage serait un agent du défendeur. Le sondeur n’a aucune autorité pour agir pour et au nom du défendeur. 
[20] En conséquence, les demanderesses ont besoin de l’autorisation du tribunal pour interroger l’auteur du sondage.
Il est par ailleurs intéressant de noter que la caractéristique principale de la définition d'agent pour la juge Bélanger (personne qui a autorité pour engendrer des relations légales), est contraire à une décision récente rendue par l'Honorable juge Étienne Parent dont nous avons traité en août dernier (voir le billet ici: http://bit.ly/UsjWJF).

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/V6o6Ui

Référence neutre: [2012] ABD 434 

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