Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Les lecteurs réguliers de la présente chronique savent que je porte une attention particulière à la jurisprudence rendue sous l’égide des articles 54.1 C.p.c. et suivants qui traitent de l’abus. Cet abus découle soit du comportement d’une partie dans le cadre des procédures judiciaires ou du caractère manifestement mal fondé de ces mêmes procédures. Dans ce dernier cas, il existe des situations où une requête introductive d'instance, ou toute autre procédure, est initialement légitime mais où les faits ou les découvertes subséquents la rendent sans objet ou clairement sans chance de succès. Dans cette situation, une partie qui continue ses procédures se trouve à commettre un abus.
La récente décision rendue dans l’affaire Perreault c. Gauvin (2012 QCCS 4708) illustre bien ce principe. Dans celle-ci, les Demandeurs déposent une requête introductive d'instance en dommages et en injonction permanente en raison de ce qu'ils allèguent être une situation d'enclave. Sans surprise, les Demandeurs réclament initialement une servitude de passage.
Or, après le dépôt des procédures, un stationnement est construit devant la résidence des Demandeurs, réglant le problème principal dont ils se plaignaient. Dès lors, leur demande, quoique initialement légitime, perd son caractère raisonnable. D'ailleurs, les Demandeurs eux-mêmes, dans leurs procédures ré-amendées, admettent que la question de la demande d'injonction est maintenant sans objet.
À ce stade, au lieu de mettre fin à leurs procédures, les Demandeurs persistent, ce qui constitue selon l’Honorable juge Michel Girouard un abus qui mérite sanction et il les condamne à rembourser aux Défendeurs les honoraires extrajudiciaires qu'ils ont encourus:
[53] Cette procédure est devenue abusive dès le moment où les demandeurs ont aménagé leur stationnement, soit en décembre 2010. Il n'y avait plus aucun motif de maintenir les conclusions en injonction et aucune possibilité de récupérer le coût de l'aménagement du stationnement pour lequel le demandeur avait déjà reçu une compensation de 5 000 $ pas plus que les dommages qu'ils réclament.
L’Honorable juge Lucie Fournier tenait également un raisonnement semblable dans la récente affaire de McMahon Distributeur pharmaceutique inc. c. Courchesne (2012 QCCS 5004). La Demanderesse dans cette affaire recherche l’annulation d’une vente intervenue en violation, selon elle, de ses droits contractuels. Les Défendeurs, citant d’abondantes autorités, demandaient le rejet préliminaire des conclusions en annulation au motif qu’elles n’avaient aucune chance de succès et étaient abusives. Une des autorités citées par les Défendeurs était justement une affaire où la Cour supérieure avait rejeté une demande presque identique formulée par la Demanderesse.
La Demanderesse se défendait contre cet argument d’abus en soulignant qu’elle avait porté cette décision en appel. Or, comme le souligne la juge Fournier, cet appel a été rejeté après l’institution des procédures devant elle. Ainsi, dès le moment où son appel a été rejeté, la Demanderesse ne pouvait plus prétendre au caractère raisonnable de ses conclusions en annulation :
La Demanderesse se défendait contre cet argument d’abus en soulignant qu’elle avait porté cette décision en appel. Or, comme le souligne la juge Fournier, cet appel a été rejeté après l’institution des procédures devant elle. Ainsi, dès le moment où son appel a été rejeté, la Demanderesse ne pouvait plus prétendre au caractère raisonnable de ses conclusions en annulation :
[38] McMahon ne démontre pas que sa conclusion n'est pas déraisonnable et qu'elle n'agit pas de façon excessive en la maintenant. L'étendue ou la gravité des faits reprochés et les allégations de fraude ne l'autorisent pas à rechercher des conclusions manifestement mal fondées.
[39] L'argument de McMahon à l'effet que la Cour d'appel a autorisé l'appel du jugement rendu par l'honorable Castiglio, ne la justifie pas non plus depuis que la Cour d'appel a rejeté ses arguments. Le Tribunal est d'avis que McMahon ne justifie pas en quoi cette conclusion n'est pas abusive et téméraire dans les circonstances.Comme on peut le constater, la légitimité de procédures judiciaires au moment de leur institution n’est pas un gage de leur caractère raisonnable indéfiniment.
Référence neutre: [2012] ABD 398
Le présent billet a initialement été publié sur le site d'actualités juridiques Droit Inc. (www.droit-inc.com).
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