lundi 5 novembre 2012

Ce n'est pas contredire un acte que de faire la preuve des circonstances qui ont entouré sa signature pour établir son objectif

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous traitons régulièrement, au chapitre de la preuve testimoniale, de la distinction à faire entre la preuve qui tend à contredire un écrit et celle qui tend à l'interpréter ou le mettre de son contexte approprié. Or, comme nous l'avons préalablement souligné, les tribunaux québécois se montrent de plus en plus permissifs à l'égard de la preuve de contexte, tel que l'illustre la récente décision de la Cour d'appel dans Placements Suclo ltée. c. Métro Richelieu inc. (2012 QCCA 1929).
 

Dans le jugement de première instance dont les Appelantes se pourvoient, la Cour supérieure a conclu que l’Appelante avait contrevenu aux obligations lui incombant aux termes d’un pacte de préférence contenu dans un bail au bénéfice de l’Intimée.
 
Dans le contexte de ce litige, les Appelantes avaient administré de façon non contredite une preuve démontrant que la vente intervenue en était une faite dans le cadre d’une transaction globale. Celle-ci avait pour objet de mettre fin à une saga judiciaire opposant Claude Gazaille et Suzanne Gazaille devenus, par voie successorale découlant des décès successifs de leurs père et mère, les actionnaires à parts égales de l'Appelante. Dans son jugement au fond, prononcé oralement à l’audience, le juge a accueilli l’objection formulée par l'Intimée et mis de côté la preuve offerte au motif qu’elle contredisait l’acte de vente.
 
Or, la Cour d'appel, dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge François Pelletier, en vient à la conclusion que le juge de première instance a eu tort d'exclure cette preuve. En effet, celle-ci ne visait pas à contredire l'écrit, mais bien à le replacer dans son contexte et cerner son objectif:
[13] Le juge de première instance reproche aux appelantes de ne pas avoir procédé par inscription de faux pour prétendre que l'acte ne constitue pas une vente mais bien un partage. Avec égards, il y a méprise. 
[14] Loin de vouloir contredire l'acte ou l'attaquer de quelque manière, les appelantes le reconnaissent de façon expresse, et elles l'ont fait tant en première instance que devant notre cour. Au demeurant, la mise de côté de cet acte serait de nature à leur causer bien des embarras en ce qu'elle romprait l'équilibre recherché et réalisé dans la convention de règlement global. J'y reviendrai. 
[15] Je note par ailleurs que l'acte de vente stipule expressément que la vente est faite en exécution de l’avant-contrat intervenu, lequel incluait de façon nécessaire la convention de règlement global à laquelle je me suis référé précédemment. Voilà donc une raison pour laquelle le juge n’aurait pas dû accueillir l’objection et mettre ainsi de côté toute la preuve portant sur le contenu et les circonstances ayant entouré le contrat et l'avant-contrat. 
[16] J'ajouterai que la preuve présentée par Suclo, Placements et Suzanne Gazaille ne tendait aucunement à contredire l’écrit. Plus particulièrement, l'établissement du contexte et des circonstances entourant la conclusion de l'acte de vente visait à faire ressortir l'objectif poursuivi par les parties de même que la portée véritable de l’acte. Dans un procès, les parties peuvent, par témoignage, établir les circonstances ayant précédé et entouré la conclusion d’un acte. Les articles 2864 , 1425 et 1426 C.c.Q. autorisent l’administration d’une telle preuve :
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/REIYAK

Référence neutre: [2012] ABD 399

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