mercredi 10 octobre 2012

Une procédure peut devenir abusive lorsqu'on s'acharne à la présenter nonobstant le fait qu'elle est clairement devenue sans fondement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il existe des situations ou une requête introductive d'instance, ou toute autre procédure, est initialement légitime mais où les faits ou les découvertes subséquents la rendent sans objet ou clairement sans chance de succès. Dans cette situation, une partie qui continue ses procédures se trouve à commettre un abus au sens des articles 54.1 et suivants, comme le souligne l'affaire Perreault c. Gauvin (2012 QCCS 4708).


Dans cette affaire, les Demandeurs déposent une requête introductive d'instance en dommages et en injonction permanente en raison de ce qu'ils allèguent être une situation d'enclave. Sans surprise, les Demandeurs réclament initialement une servitude de passage.
 
Or, après le dépôt des procédures, un stationnement est construit devant la résidence des Demandeurs, réglant le problème principal dont ils se plaignaient. L'Honorable juge Michel Girouard note d'ailleurs que, selon lui,  les Demandeurs n'ont jamais été enclavés:
[29] La demande d'injonction interlocutoire était vouée à l'échec, elle n'avait aucune chance de réussite et était donc mal fondée dès le départ.  
[30] D'ailleurs, le procureur des demandeurs insiste peu sur la conclusion en injonction et admet qu'il est essentiel pour les demandeurs de conserver cette conclusion considérant que les dommages réclamés sont inférieurs au montant de la juridiction de cette Cour. 
[31] La preuve ne démontre pas que la propriété des demandeurs était enclavée. 
[32] La façade complète donne immédiatement sur la voie publique. 
[33] Le problème c’est qu’il n’y avait pas d’accès aménagé. 
[34] Le Tribunal est d'avis qu'il n'y avait pas plus d'objet pour demander une injonction interlocutoire.
D'ailleurs, les Demandeurs eux-mêmes, dans leurs procédures ré-amendées, admettent que la question de la demande d'injonction est maintenant sans objet.

Or, le juge Girouard, s'il n'est pas convaincu que les procédures des Demandeurs étaient initialement abusives, est certes d'opinion qu'elles le sont devenues une fois le problème dont se plaignaient les Demandeurs résolu. Pour cette raison, il les condamne à rembourser aux Défendeurs les honoraires extrajudiciaires qu'ils ont encourus:
[38] Le Tribunal n'est pas convaincu que dès le départ, la requête introductive d'instance du 24 novembre constituait un recours abusif. En effet, à ce moment, il y avait une situation d'urgence et les juges Louise Moreau et Catherine La Rosa ont accordé les injonctions provisoires pour permettre au demandeur de régulariser sa propre situation. 
[39] À cette époque, les défendeurs n'étaient pas représentés par procureur puisqu'ils étaient convaincus de leur droit et considéraient qu'il était inutile d'engager des frais.  
[40] Ce n'est que lorsqu'ils ont constaté que malgré l'aménagement du stationnement et de l'accès à la résidence des demandeurs que les procédures se continuaient qu'ils ont retenu les services de Me Bouchard qui a comparu le 23 mai 2011. 
[41] Les demandeurs prétendent que le comportement incessant des défendeurs équivaut à un abus de droit justifiant de réclamer le remboursement des honoraires de leurs avocats. 
[42] Or, la preuve n'a démontré aucun comportement incessant des défendeurs qui pouvait équivaloir à un abus de droit. Au contraire, les défendeurs n'avaient pas le choix de se défendre devant la persistance du demandeur à poursuivre les procédures qui étaient devenues inutiles suite à l'aménagement du stationnement et de l'accès à l'arrière de la résidence. 
[...] 
[52] Or, le Tribunal est d'avis que la requête introductive d'instance en dommages et injonction permanente ré-amendée est manifestement mal fondée et inutile donc dilatoire. 
[53] Cette procédure est devenue abusive dès le moment où les demandeurs ont aménagé leur stationnement, soit en décembre 2010. Il n'y avait plus aucun motif de maintenir les conclusions en injonction et aucune possibilité de récupérer le coût de l'aménagement du stationnement pour lequel le demandeur avait déjà reçu une compensation de 5 000 $ pas plus que les dommages qu'ils réclament.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/PXv8IP

Référence neutre: [2012] ABD 364
 

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