mardi 30 octobre 2012

L'hypothèque non autorisée par le propriétaire et obtenue par une tierce partie via de fausses représentations peut être annulée, même si le prêteur hypothécaire est de bonne foi

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Soyez honnêtes, combien d'entre vous ont lu le titre du présent billet et ont pensé qu'il s'agissait d'une évidence? Pourtant ce n'est pas le cas. En effet, la Cour d'appel a été dans l'obligation d'intervenir dans l'affaire Coppin c. Ouellette (2012 QCCA 1739) pour renverser un jugement de première instance qui en était venu à la conclusion opposée. Bien que cela soit intuitivement surprenant, la question suscitait une certain controverse.


Les faits pertinents à la compréhension du présent billet sont relativement simples. Les Appelants instituent des procédures judiciaires pour faire radier les hypothèques publiées contre leurs immeubles sans leur consentement, à leur insu et sur la foi de procurations fausses. La question qui se pose est celle de savoir si ces hypothèques leur sont opposables.

Le juge de première instance, considérant la bonne foi des institutions financières et l'article 1707 C.c.Q., en vient à la conclusion que ces hypothèques sont effectivement opposables aux Appelants.
 
Heureusement pour eux, la Cour d'appel, dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge Jacques R. Fournier, renverse cette décision. Ce dernier est d'opinion qu'en l'absence de consentement valide de la part du propriétaire d'un immeuble, l'hypothèque qui grève celui-ci peut être annulée même si le créancier est de bonne foi:
[66] En l'instance, Bernat et Després ont agi sur la foi d'une autorisation inexistante et les limites du mandat donné à CGP étaient telles que le notaire a exigé, pour chacun des prêts, des procurations spécifiques et attestées. Par conséquent, elles ne confèrent pas la capacité d'aliéner au sens de l'article 2681 C.c.Q
[67] Comme les procurations sont fausses, les prêts et hypothèques sont également susceptibles d'annulation. 
[68] Le juge de première instance, malgré le constat de la fausseté des procurations, considère tout de même que les hypothèques sont opposables à Coppin-Deslandres et il appuie son raisonnement sur l'article 1707 du C.c.Q.qui prévoit :
1707. Les actes d'aliénation à titre onéreux faits par celui qui a l'obligation de restituer, s'ils ont été accomplis au profit d'un tiers de bonne foi, sont opposables à celui à qui est due la restitution. Ceux à titre gratuit sont inopposables, sous réserve des règles relatives à la prescription. 
Les autres actes accomplis au profit d'un tiers de bonne foi sont opposables à celui à qui est due la restitution.
[69] Avec respect, je suis d'avis qu'il commet une erreur. 
[70] L'article 1707 C.c.Q. suppose la présence d'au moins trois personnes. Tout d'abord, les parties à l'acte attaqué ensuite le tiers étranger à cet acte. La loi exige aussi de ce tiers qu'il soit de bonne foi. 
[71] Je pense, à titre d'exemple, à l'acheteur d'un immeuble qui perd son titre de propriété parce que son vendeur avait vendu à une autre personne qui a consenti une hypothèque à un tiers de bonne foi. Ou encore au propriétaire d'un bien meuble, qui donne un bien en gage alors que la vente qui lui conférait le titre est résolue. 
[72] Dans les exemples qui précèdent, il y a toujours trois personnes d'impliquées : les parties à l'acte annulé et le tiers de bonne foi. 
[73] En l'espèce, les créanciers hypothécaires sont parties aux actes attaqués, ils ne sont donc pas des tiers, mais ils sont, au sens de l'article 1707 C.c.Q., créanciers de la restitution. 
[74] En l'absence d'un lien de droit contractuel avec Coppin-Deslandres, ils n'ont pas de recours hypothécaires, parce qu'il n'y a pas eu de prêt, donc d'obligation garantie par hypothèque (art. 2660 et 2661 C.c.Q.). 
[75] Les créanciers ont été victimes d'une fraude, leurs recours sont contre les fraudeurs.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/TkHVFC

Référence neutre: [2012] ABD 391

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