jeudi 25 octobre 2012

Le failli non libéré ne peut pas intenter une action pour faire valoir des droits de propriété

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

On termine la journée sur le blogue en discutant insolvabilité et, plus précisément, du droit d'un failli d'ester en justice. Dans l'affaire Lehouillier Rail c. Compagnie de gestion doctorat inc. (2012 QCCS 5180), l'Honorable juge Laurent Guertin souligne qu'un failli non libéré ne peut pas faire valoir des droits patrimoniaux devant les tribunaux, même lorsque le syndic lui a cédé le droit d'action.


Dans cette affaire, les Demandeurs ont intenté un recours en annulation de vente et en dommages et intérêts contre les Défendeurs. Ces derniers, alléguant qu'un des Demandeurs est un failli non libéré au moment de l'institution de l'action, demandent le rejet du recours entrepris.
 
Le juge Guertin, appliquant les enseignements de la Cour d'appel, prononce effectivement le rejet de l'action pour ce motif:
[5] Au mois de mars 2010, la Cour d’appel écrivait dans l’affaire Jean Huard c. Ville de Saguenay, 2012, C.C.A. 583 :
[11] La règle de principe ici applicable est celle énoncée par la Cour suprême dans son arrêt Wallace c. United Grain Growers Ltd: un failli perd la capacité d’aliéner ses biens et n’a donc pas la capacité juridique d’intenter une action relativement à des biens ou à des droits, que ces biens ou droits aient été acquis avant ou après la faillite. 
[12] L’arrêt Thompson c. Coulombe et les autres décisions invoquées par les appelants mettaient en scène des faillis qui avaient obtenu leur libération. Ce n’est pas la situation de l’appelant Huard en l’espèce puisque, au moment où le syndic lui a rétrocédé son droit d’action selon l’article 40(1) L.F.I., il n’était pas encore libéré et ne l’est pas davantage aujourd’hui.  
[13] Dans le cas d’un failli non libéré, la jurisprudence ne lui reconnaît pas le droit d’agir en justice, même dans le cas où le syndic lui a cédé ce droit. C’est ce qui a été décidé par la Cour d’appel de l’Ontario dans McMamara c. PagecorpInc., un arrêt d’ailleurs cité par la Cour suprême dans Wallace. Dans McNamara, la Cour a statué qu’un failli non libéré n’avait pas la capacité juridique d’intenter une action relativement aux biens que le failli et son épouse possédaient à l’époque de la faillite et qui lui avaient été revendus par le syndic avant la libération de ce dernier. La Cour d’appel de l’Ontario affirme ceci :
[TRADUCTION] Selon l’économie de la Loi sur la faillite, tous les biens qui appartenaient au failli à la date de la faillite et tous ceux qui ont été acquis par le failli avant sa libération sont dévolus au syndic. Il ne fait aucun doute qu’un failli non libéré ne peut pas intenter [une] action pour faire valoir des droits de propriété et nous sommes convaincus que tel est l’état du droit même lorsque, comme en l’espèce, les biens auraient été vendus par le syndic au failli avant sa libération.
[14] L’arrêtMcNamara fait autorité sur cette question. En conséquence, la décision du juge de première instance statuant que l’appelant Huard n’a pas la capacité d’agir en justice est bien fondée.
[6] Considérant l’état de la jurisprudence, le Tribunal n’a d’autres choix que de conclure que le demandeur André Rail n’a pas la capacité d’agir en justice. Par conséquent, le recours intenté par André Rail doit être rejeté.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/QIFkaR

Référence neutre: [2012] ABD 386

Autre décision citée dans le présent billet:

1 commentaire:

  1. Une personne qui est en faillite et non libéré peut-elle intenter une action en justice civile contre un tiers pour diffamation, atteinte à son intégrité, atteinte à sa réputation et à sa dignité en droit extrapatrimoniaux ??

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