vendredi 12 octobre 2012

Faute lourde ou négligence grossière: le facteur temporel est important

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous discutions lundi dernier d'un jugement récent de la Cour d'appel en matière de faute lourde (voir notre billet sur le sujet ici: http://bit.ly/OYrHqI) et nous continuons dans la même veine ce matin en discutant de l'affaire Monit Management Ltd. c. Samen Investments Inc. (2012 QCCA 1821). Dans celle-ci, la Cour d'appel indique que la durée pendant laquelle s'étend la commission de la faute est un élément pertinent quant à sa qualification de faute lourde.


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 17 juin 2010 par la Cour supérieure qui a conclu à sa négligence grossière à la suite d'une gestion déficiente de l'immeuble de l'Intimée, à l'inapplicabilité de la clause d'exonération de responsabilité prévue au contrat de gestion et l'a condamnée à payer une portion des dommages réclamés (170 114 $).

L'Appelante agissait en l'instance à titre de gestionnaire professionnel d'un des immeubles de l'Intimée. Cette dernière lui reprochait des manquements contractuels dans l'entretien de l'immeuble en question pendant une période de plus de 20 ans et alléguait que cette faute relevait de la négligence grossière et était donc une faute lourde. Le juge de première instance a accepté la position de l'Intimée à cet égard.

L'Honorable juge Jacques A. Léger, au nom d'un banc unanime de la Cour, confirme la décision du juge de première instance à cet égard. Bien qu'il reconnaît que la qualification de la faute faite par celui-ci est quelque peu sévère, il l'a considère justifiée à la lumière de la longue période sur laquelle la faute s'échelonne:
[65] Deux aspects ont conduit le juge à conclure que le défaut d'entretien du stationnement souterrain constituait une faute lourde. D'abord, la longue période pendant laquelle l'appelante a négligé son obligation de voir à l'entretien et à la préservation de l'immeuble; ensuite, elle savait ou devait nécessairement savoir l'effet que telle incurie avait sur la structure de béton. 
[66] Quatre fois plutôt qu'une, le juge souligne que c'est pendant une longue période s'étalant sur près de vingt ans que l'appelante a négligé d'entretenir le stationnement souterrain du Gordon Brown. Il retient qu'en vertu des meilleures pratiques connues à l'époque de son administration de l'immeuble, l'appelante était loin de remplir son devoir en ne faisant que balayer et laver les dalles de béton.  
[67] En outre, il note qu'il est indéniable que pendant cette période, l'appelante était en mesure de constater la lente dégradation de la structure de béton, puisqu'il n'est pas contesté que des morceaux de béton se sont détachés de la structure et ont abîmé des voitures stationnées. L'appelante en était consciente puisqu'elle a tendu des bâches pour protéger les voitures de l'écoulement d'eau et de la chute d'autres morceaux de béton. En dépit de cela, elle n'a pas cru bon d'entreprendre des travaux plus sérieux ou encore de revoir ses méthodes d'entretien et de préservation ou enfin, d'en avertir l'intimée. 
[68] Bien que la qualification de faute lourde donnée par le juge puisse paraître quelque peu sévère, la durée pendant laquelle l'appelante n'a pas entretenu adéquatement le stationnement et sa conscience que cela entraînait une détérioration sérieuse de la structure de béton rendent bien difficile d'y voir une erreur. J'estime que le juge ne s'est pas trompé en qualifiant de lourde la faute de l'appelante.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Ps0DQI

Référence neutre: [2012] ABD 367 
 

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