lundi 22 octobre 2012

Faut-il alléguer l'absence d'allégations spécifiques dans les procédures de la partie adverse?

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En avril dernier, j'attirais votre attention sur le fait que la partie demanderesse qui intente une action dans un district autre que celui du domicile de la partie défenderesse a le fardeau de prouver que le district choisi est approprié (voir notre billet ici: http://bit.ly/RXy1OI). Or, dans l'affaire Autocar Distinction inc. c. Autobus Nolisés Symphony inc. (2012 QCCQ 8013), la Cour du Québec vient ajouter un bémol à ce principe, indiquant que la partie défenderesse qui soulève une exception déclinatoire doit alléguer, dans sa requête, l'absence d'allégations dans la requête introductive d'instance justifiant le choix par la partie demanderesse du district.
 

Dans cette affaire, la Défenderesse présente une exception déclinatoire dans laquelle elle fait valoir que le district choisi par la Demanderesse pour le dépôt de son recours, en l'occurence le district judiciaire d'Abitibi, n'est pas approprié.  La Défenderesse fait valoir que le dossier devrait être transféré dans le district de Beauharnois, lieu du domicile de la Défenderesse, ou subsidiairement, dans le district judiciaire de Montréal, lieu où l’entente de service entre les parties serait survenue.
 
Or, dans son exception déclinatoire, la Défenderesse n'allégue pas que la Requête introductive d'instance ne comporte aucune allégation justifiant le dépôt de procédures dans le district d'Abitibi. Ce fait est plutôt plaidé verbalement à l'audience. Pour l'Honorable juge Claude Bigué, il s'agit là d'un problème important affectant l'exception déclinatoire:
[7] Les moyens déclinatoires sont régis par l’article 159 du Code de procédure civile. Les moyens déclinatoires proposés doivent alléguer tous les reproches faits à l’encontre de la requête introductive d’instance. Or, la requête ici proposée n’allègue pas que la demanderesse a omis d’inclure dans sa requête introductive une allégation justifiant qu’un choix autre que le domicile de la défenderesse. La requête aurait dû, en vertu de l’article 163, contenir une allégation à l’effet que la requête introductive d’instance ne comportait pas d’allégation pouvant justifier son choix du district d’Abitibi, mais elle ne le fait pas.  
[8] Bref, quand une partie présente un moyen déclinatoire, il lui faut être aussi précise qu’on l’exige de l’autre partie, particulièrement en ce qui concerne l’absence d’une telle allégation. Or, cet argument fut soumis verbalement, seulement le jour de la présentation de la requête. La défenderesse ne peut pas invoquer, en présentant une requête pour moyen déclinatoire, un argument qu’elle n’a pas allégué.  
[...] 
[13] Par sa non-allégation de l’omission d’une allégation dans la requête introductive d’instance concernant le district judiciaire choisi, la requête telle que libellée a fourni l’occasion à la demanderesse de justifier son choix relatif au lieu de conclusion du contrat. C’est ce que la demanderesse a fait, de façon prépondérante.
Commentaire

Avec grand respect, je suis en désaccord avec cette décision. D'abord, l'existence (ou pas) d'allégations justifiant le choix d'un district particulier dans la Requête introductive d'instance apparaît de la face même de celle-ci. Nul besoin d'alléguer l'absence de telle allégations dans l'action. Ce sont les faits qui doivent être allégués dans une requête, pas les arguments que l'on entend soulever.
 
Deuxièmement, dans la mesure où la partie demanderesse choisi un district judiciaire autre que celui où la partie défenderesse est domiciliée, il lui incombe de justifier son choix. Ce n'est donc pas, encore une fois, à la partie défenderesse de soulever quelque absence de justification que ce soit.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/TtabME

Référence neutre: [2012] ABD 380

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