jeudi 27 septembre 2012

Lorsque plusieurs recours sont joints en vertu de l'article 67 C.p.c., il faut considérer chacun d'eux individuellement pour juger du droit à l'interrogatoire préalable

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'article 67 C.p.c. permet à plusieurs demandeurs de joindre leurs recours dans la même procédure dans certaines circonstances. Dans de telles circonstances, pour les fins de l'application de l'article 396.1 C.p.c. qui ne permet pas les interrogatoires préalables dans les causes de moins de 25 000$, doit-on considérer le montant total ou séparément celui de chaque recours? Dans l'affaire Godin c. Montréal (Ville de) (2012 QCCA 1700), l'Honorable juge Pierre J. Dalphond suggère fortement que c'est cette dernière alternative qui est la bonne.
 

Dans cette affaire, les trois Requérants, des personnes non apparentées qui se déclarent victimes d'actes illégaux de la police, poursuivent ensemble la l'Intimée, se prévalant de l'article 67 C.p.c., qui permet à plusieurs personnes dont les recours ont le même fondement juridique ou soulève les mêmes points de droit ou de fait, de se joindre dans une même demande. 
 
Pris isolément, chacun des recours est intenté pour un montant de moins de 25 000 $.  À l'agrégat, les réclamations contre l'Intimée totalisent 66 000 $.
 
Considérant le montant global des trois réclamations distinctes, les avocats de l'Intimée présentent une demande pour interroger les Requérants au préalable. Le juge de première instance, d'avis qu'il faut prendre en considération le montant total des recours, permet ces interrogatoires. Les Requérants demandent donc la permission d'en appeler de ce jugement.
 
Le juge Dalphond, sans pouvoir statuer définitivement sur la question, semble clairement d'opinion que le jugement de première instance est mal fondé:
[9] Sans vouloir trancher formellement le fond, ce qui reviendra à une formation de la Cour, si nécessaire, il me semble que le jugement entrepris semble contraire aux enseignements de notre arrêt dans l'affaire Groupe Cantrex inc. c. Tapis Cowansville inc., 2009 QCCA 1576 . 
[10] Dans cet arrêt unanime, ma collègue, la juge en chef Duval Hesler, énonce des principes d'interprétation importants quant à l'application de l'article 396.1 C.p.c. Elle écrit au paragraphes 27, 28 et 29 :
[27] Il faut écarter en l'espèce l'interprétation retenue dans Orfanos, chaque société intimée ayant signé un contrat distinct avec l'appelante.
[28] J'estime que l'interprétation du juge de première instance est correcte. Son raisonnement non seulement s'harmonise avec le but visé par l'adoption de l'article 396.1 C.p.c., mais avec d'autres principes d'interprétation comme l'uniformité de sens de termes identiques et la présomption de cohérence.  
[29] De plus, les principes généraux du Code de procédure civile, tel celui édicté à l'article 4.2, s'en trouvent parfaitement respectés. Il ne faut pas en effet interpréter l'article 396.1 en vase clos. L'article 2 C.p.c. prévoit que les dispositions du Codes'interprètent les unes par les autres et de manière à faciliter la marche normale des procès. En ce sens, l'article 396.1 n'est qu'une application législative de l'article 4.1 C.p.c. et une autre interprétation que celle proposée par le juge de première instance donnerait lieu, en l'instance, à un résultat nettement disproportionné 
(je souligne; notes ajoutées)
[11] Elle conclut ensuite au paragraphe 36 comme suit :
[36] En l'espèce, la lecture de la requête introductive d'instance en garantie révèle que chacun des intimés demande à faire payer ses frais de justice. Comme il est manifeste qu'il ne s'agit pas d'une créance solidaire, on doit supposer que chaque intimé réclame sa quote-part de 35 000 $ et c'est cette quote-part, plutôt que le montant réclamé conjointement, qui doit servir à déterminer le droit à l'interrogatoire préalable. 
(je souligne; note omise)
[12] Je me demande aussi si le juge de première instance a considéré le principe de la proportionnalité et de l'utilisation optimale des ressources judiciaires limitées en retenant une interprétation qui pourrait faire en sorte que les personnes qui pourraient se prévaloir de l'art. 67 C.p.c.préfèreront intenter des recours distincts pour éviter d'être soumis à des interrogatoires hors cour. Une interprétation qui encourage la multiplicité des recours n'est-elle pas à exclure?
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/TJxxOv

Référence neutre: [2012] ABD 346
 

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