Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Plusieurs s'en surprennent, mais, à moins que le vendeur soit un vendeur professionnel, la partie demanderesse a le fardeau, dans les causes de vices cachés, de prouver que celui-ci connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence du vice conformément à l'article 1728 C.c.Q. Ce n'est souvent pas une mince affaire. Or, dans Chastenay c. Paquet (2012 QCCQ 6557), la Cour du Québec indique qu'il ne faut pas rajouter à ce fardeau et que la partie demanderesse n'est pas tenue de prouver que le vendeur connaissait l'étendue du vice.
Peu de temps après avoir pris possession de leur résidence achetée de la Défenderesse, les Demandeurs constatent une odeur
désagréable d'urine de chat. Les experts qu'ils mandatent constatent que
l'odeur est imprégnée dans le tapis du sous-sol, sur le plancher de béton sous
ce tapis, le long des plinthes et dans le bas des murs, tant du sous-sol que du
rez-de-chaussée de toute la maison. Les Demandeurs doivent alors entreprendre
des travaux de remplacement des matériaux affectés et ils intentent des procédures judiciaires en vices cachés pour obtenir compensation.
La Défenderesse conteste ces procédures au motif que le vice était, selon elle, apparent et qu'elle ne connaissait pas elle-même l'existence du vice (oui, ces deux moyens m'apparaissent manifestement contradictoires, mais ce n'est pas le sujet du présent billet).
Saisi de l'affaire, l'Honorable juge Pierre A. Gagnon en vient à la conclusion que la Défenderesse connaissait effectivement l'existence du vice. Le fait qu'elle ne semblait par ailleurs pas en connaître l'ampleur n'est pas un élément disculpatoire:
[48] Le demandeur doit prouver soit que Mme Paquet connaissait le vice ou ne pouvait l'ignorer. Il n'a pas à prouver la mauvaise foi ou la fraude.
[49] Mme Paquet savait que ses chats urinaient ailleurs que dans leur litière. Elle était absente deux semaines par mois pour son travail. Confinés à l'intérieur, ses chats pouvaient uriner pendant son absence sans que celle-ci puisse intervenir en temps opportun pour remédier aux dégâts causés. Une fois les matériaux imbibés d'urine de chat, le mal est fait.
[50] Mme Paquet a admis aux demandeurs que l'odeur nauséabonde constatée dans les jours qui ont suivi leur prise de possession pouvait provenir de l'urine de ses chats. Elle a admis que ses chats urinaient à l'extérieur de leur litière. Ces admissions, combinées à l'ampleur du problème constaté à l'été 2010 et à la présence de chasses odeur, laissent croire que Mme Paquet connaissait l'existence de l'odeur d'urine de chats dans sa résidence. D'ailleurs, elle invoque en défense que les acheteurs auraient dû la sentir.
[51] Mme Paquet avait donc des motifs raisonnables de penser que son bien était affecté d'un vice puisqu'elle savait que ses chats urinaient ailleurs que dans leur litière. Elle n'a pas besoin de connaître l'ampleur du vice mais simplement qu'il existe.
[52] Dans ces circonstances, même si subjectivement Mme Paquet ne connaissait pas le vice, elle ne pouvait l'ignorer. Comme l'écrit l'auteur Pierre-Gabriel Jobin:
En règle générale, la présomption de connaissance ne s'applique pas au profane ni au vendeur professionnel quoique non spécialisé, lequel ne possède pas la compétence d'un fabricant, d'un commerçant ou d'un autre professionnel spécialisé dans le type de biens concerné. Elle s'applique toutefois au profane ou au vendeur professionnel non spécialisé qui, dans les circonstances, avait des motifs raisonnables de penser que son bien était affecté d'un vice (par exemple, des traces d'humidité excessive étaient visibles sur les murs, indice d'une mauvaise imperméabilisation et d'une autre défectuosité). Il est prudent de faire appel ici, par analogie, au critère des circonstances «graves, précises et concordantes» de la présomption de fait.
[53] De la même façon qu'un acheteur qui détecte une odeur d'urine de chat ou la présence de cernes suspects ne peut, par la suite, prétendre que le vice est caché, un vendeur qui sait que ses chats urinent à l'extérieur des litières est présumé en connaître les conséquences. D'ailleurs, si Mme Paquet avait informé ses acheteurs que ses chats urinaient de temps à autre ailleurs que dans leur litière, nul doute que son procureur aurait plaidé que les acheteurs avaient des motifs raisonnables de croire que l'immeuble était affecté d'un vice.
Le texte intégral du jugement est disponible ici:
http://bit.ly/NmrRpS
Référence neutre: [2012] ABD 321
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