lundi 17 septembre 2012

Des actes conciliatoires n'équivalent pas à la reconnaissance d'une faute

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Il y a quelques années, le législateur québécois avait considéré la possibilité d'adopter une loi par laquelle les excuses présentées par une personne ne pourraient être présentés en preuve contre elle pour établir sa responsabilité. L'objectif était de promouvoir une plus grande harmonie sociale en permettant à des personnes de s'excuser sincèrement, sans qu'on leur oppose une reconnaissance de responsabilité. Malheureusement, l'idée est tombée aux oubliettes où elle y reste aujourd'hui. Est-ce dire qu'une personne qui s'excuse ou pose des gestes conciliatoires admet sa responsabilité? L'Honorable juge David R. Collier répond à cette question par la négative dans l'affaire Paquette c. Fédération (La), cie d'assurances du Canada (2012 QCCS 4284).


Dans cette affaire, le Demandeur se blesse grièvement en véhicule tout terrain dans un accident qui a lieu sur la propriété des Défendeurs. Au moment de l'accident, le Demandeur est ivre. Il poursuit les Défendeurs au motif que ce sont eux qui lui ont servi de l'alcool au courant de la journée et qui lui ont permis d'emprunter leur véhicule tout terrain alors qu'il est dans un état d'ébriété. 

Dans le contexte de ce litige, le Demandeur plaide que les Défendeurs ont admis leur responsabilité. La preuve présentée devant le juge Collier révèle ce qui suit:
[37] Le soir de l'accident, alors que M. Paquette est à l'hôpital, son frère Sylvain téléphone chez M. Labrosse pour avoir des nouvelles. Selon Sylvain Paquette, Mme Rollin lui demande au téléphone si Daniel a l'intention de les poursuivre, elle et son mari.  
[38] Le lendemain de l'accident, à l'hôpital, M. Labrosse confie à Sylvain Paquette qu'il va « enterrer sa moto dans la cour » en raison de l'accident. 
[39] Plus tard, M. Labrosse exprime à M. Paquette son inquiétude d'être poursuivi par ce dernier. 
[40] En 2002, M. Labrosse remet une carte de Noël à M. Paquette avec la somme de 200 $ et la mention « un geste pour les fêtes ». À une autre occasion, M. Labrosse participe à une collecte de fonds au profit de M. Paquette. 
[41] Selon M. Paquette, par ces actes, les défendeurs ont avoué leur responsabilité en regard de l'accident.
Après un survol des principes jurisprudentiels pertinents, le juge Collier en vient à la conclusion que les faits reproduits ci-dessus n'équivalent pas à une admission de responsabilité des Défendeurs. Il rappelle à cet égard que l'aveu doit être clair et non équivoque et que la jurisprudence ne considère pas les gestes conciliatoires comme des admissions de responsabilité:
[42] Un aveu est la reconnaissance d'un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur. Dans le cas présent, l'aveu serait des gestes et déclarations de M. Labrosse et Mme Rollin par lesquels, selon M. Paquette, ils reconnaissent que leurs actions fautives ont contribué à son accident. 
[43] Selon l'auteur Jean-Claude Royer, un aveu « doit être clair, sans ambiguïté et sans équivoque. »   
[44] Les tribunaux ont souvent conclu que des actions conciliatoires de la part des défendeurs n'équivalent pas à une reconnaissance de faute. Professeur Royer écrit:
À maintes reprises, les tribunaux ont refusé d'assimiler à un aveu des réparations ou modifications faites après un accident, le remboursement des frais engagés par la victime d'un accident ou des offres, tentatives ou démarches faites dans le but de régler un litige. (notes infrapaginales omises)
[45] Dans le cas présent, le comportement des défendeurs peut aussi bien s'expliquer par leur sympathie envers M. Paquette et leur crainte d'être impliqués dans des procédures juridiques coûteuses, que par leur reconnaissance qu'ils ont commis une faute. 
[46] On peut comprendre que l'accident de M. Paquette a provoqué chez ses amis un sentiment de sympathie et de regret. La compassion ressentie par M. Labrosse et Mme Rollin pour M. Paquette est normale. Elle peut expliquer la décision de M. Labrosse de faire un cadeau d'argent à son ami, qui n'avait plus de revenu d'emploi, et de vouloir se débarrasser de son véhicule tout-terrain après l'accident. 
[47] Étant donné les diverses raisons qui auraient pu motiver les gestes des défendeurs, le Tribunal ne peut conclure que M. Labrosse et Mme Rollin ont admis leur responsabilité pour le préjudice subi par M. Paquette.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/R9rfAz

Référence neutre: [2012] ABD 329

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