mardi 18 septembre 2012

Dans la détermination de la durée du devoir de loyauté, l'on doit considérer la durée de l'emploi du défendeur auprès de son ex-employeur

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 12 juillet dernier, je discutais avec vous d'une décision récente de la Cour d'appel dans l'affaire Dion (voir notre billet ici: http://bit.ly/Nl5hdh), où elle rappelait la durée très limitée du devoir de loyauté de l'ancien employé. Aujourd'hui, j'attire votre attention sur l'affaire 9119-1452 Québec Inc. c. Maltais (2012 QCCS 4236), dans laquelle l'Honorable juge Martin Dallaire indique que la durée de ce devoir est non seulement limitée, mais qu'elle dépend en grande partie de la durée de l'emploi de la partie défenderesse.


Devant le juge Dallaire, la Demanderesse recherche l'émission d'une injonction interlocutoire contre le Défendeur pour l'empêcher de solliciter de la clientèle pour sa nouvelle entreprise concurrente. Or, le Défendeur n'a travaillé pour la Demanderesse que pendant une période de six (6) mois et celle-ci tente de faire valoir un recours basé sur le devoir de loyauté quatre (4) mois après son départ.

Le juge Dallaire est d'opinion que le devoir de loyauté du Défendeur n'a pas une durée aussi longue. Il souligne à cet égard les enseignements de la Cour d'appel à l'effet que la durée du devoir est de quelques mois à peine et y ajoute qu'il faut prendre en considération la durée très limitée de la relation d'emploi entre la Demanderesse et le Défendeur. Conjuguant ces éléments, il en vient à la conclusion que la demande qui lui est présentée ne peut réussir:
[19] D'autre part, son court laps de temps auprès de l'entreprise de la demanderesse incite le tribunal à considérer que la survie de l'obligation de loyauté doit être appréciée avec réserve. La juge Julie Dutil, alors à la Cour supérieure, souligne que:
« [41] Dans la présente affaire, il faut noter qu'aucun des défendeurs n'était lié à Métrivis par une clause de non-concurrence. En l'absence d'une telle clause, l'obligation de loyauté postérieure au contrat d'emploi ne saurait avoir une portée et une durée plus grandes qu'une clause de non-concurrence. L'obligation de loyauté, prévue à l'article 2088 C.c.Q., survit toutefois pendant un temps raisonnable après la cessation du contrat ».
[20] Son travail est pour un court laps de temps pour la demanderesse, soit six mois. Plus de quatre mois plus tard, on cherche à contraindre le défendeur à cesser d'exploiter une entreprise similaire dans son milieu. Pour le tribunal, il s'agit d'un droit qui est fortement discutable pour ne pas dire disproportionné puisque non raisonnable. 
[21] D'ailleurs, la Cour d'appel, dans une décision toute récente du 9 juillet 2012 traite de l'appréciation du temps dans la survie de l'obligation de loyauté :
« [10] Tout compte fait, le juge de première instance note que Dion et Dumont sont des exécutants qui ne possèdent pas d'informations confidentielles appartenant à Concept et qui ignore tout de sa structure de prix, mais qui connaissent les entrepreneurs en construction de la région susceptibles d'utiliser leurs services. 
[11] Prenant en compte la nature des fonctions exercées par Dion et Dumont sont chez Concept ainsi que les circonstances factuelles de la mise sur pied de leur société, alors qu'ils ne sont liés par aucune clause de non-concurrence et de non-sollicitation, le juge de première instance conclut qu'il y a lieu de prononcer une ordonnance d'injonction, mais pour une période de trois mois seulement étant d'avis que cette période est suffisante pour assurer la protection des intérêts légitimes de Concept. Il écrit :
[44] En l'absence de clause de non-concurrence, un ex-salarié peut concurrencer son ex-employeur, même vigoureusement. L'obligation de loyauté existe pendant l'emploi. Après la fin de celui-ci, elle ne subsiste que dans une forme atténuée et pour un délai raisonnable, dont la durée dépend des circonstances de chaque espèce mais "qui dépasse rarement quelques mois 
(…) 
[47] Le Tribunal considère par contre que les défendeurs ont violé leur obligation de loyauté en contactant Odyssées et en mettant sur pied leur entreprise pendant la durée de leur emploi chez Concept. L'effet combiné d'annoncer à l'avance la création de leur entreprise à Odyssées, de faire préalablement tous les préparatifs pour son démarrage et de réduire les effectifs de leur ex-employeur par leur démission-surprise a eu pour conséquence de procureur aux défendeurs un avantage déloyal pendant une durée de temps limitée après leur départ ».
[22] Ainsi, si un employé après sept ans et trois ans de service se voit restreindre pour une période de quatre mois, un employé de six mois doit voir sa période appréciée de façon relativement proportionnelle, c'est à dire peu. 
[23] Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas en présence d'un droit clair.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/SoYwrG

Référence neutre: [2012] ABD 332

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