Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Sur le blogue Edilex, où je suis chroniqueur en matière de recours collectif avec mon collègue Mathieu Bouchard, je discutais récemment de la remise en question, par les tribunaux québécois, du "first to file" en matière de recours collectif (voir le billet ici: http://bit.ly/RXg4L1). Or, il semble, comme le démontre l'affaire Wainberg c. Zimmer inc. (2012 QCCS 4276) que les juges de la Cour supérieure, même s'ils remettent en question la règle, ne sont pas encore prêts à la mettre de côté.
En 1999, la Cour d'appel, dans Hotte c. Servier Canada Inc. ([1999] R.J.Q. 2598), se penchait sur l'épineuse question du dédoublement de requête en autorisation déposée au Québec à propos de la même cause d'action. Elle en était venu à la conclusion que la solution appropriée était de laisser la première requête déposée aller de l'avant et suspendre toute requête en autorisation subséquente. C'est ce qu'on appelle communément le "first to file".
Bien sûr, à travers les années, l'application systématique de cette règle a causé des problèmes. En effet, on assiste souvent à une véritable course au dépôt de la première requête en autorisation dans le cas de problèmes médiatisés. Nonobstant ces critiques, la règle reste demeure en vigueur aujourd’hui.
Or, comme je le mentionnais dans mon billet sur Edilex, certaines décisions récentes semblent traduire une volonté judiciaire de revisiter la question. Dans l’affaire Charland c. Bell Canada (2012 QCCS 3429), l’Honorable juge Jean-Paul Cullen n’est d’évidence pas prêt à mettre la règle de côté, quoiqu’il semble avoir sérieusement considérer la possibilité de le faire:
Or, comme je le mentionnais dans mon billet sur Edilex, certaines décisions récentes semblent traduire une volonté judiciaire de revisiter la question. Dans l’affaire Charland c. Bell Canada (2012 QCCS 3429), l’Honorable juge Jean-Paul Cullen n’est d’évidence pas prêt à mettre la règle de côté, quoiqu’il semble avoir sérieusement considérer la possibilité de le faire:
[63] Au Québec, la relation entre la règle de l’antériorité du recours et le pouvoir discrétionnaire du juge saisi de la gestion particulière d’un dossier en matière de recours collectif reste à approfondir, notamment à la lumière du rôle du tribunal relativement à la sauvegarde des intérêts des membres du groupe.
[64] Dans l’affaire Melley c. Toyota Canada inc. où l’intimée plaidait litispendance entre un recours ouvert au Québec et des recours collectifs semblables ouverts dans d’autres provinces, le juge Mayer a constaté l’application (jusqu’alors) invariable au Québec de la règle de l’antériorité du recours :[42] Une autre caractéristique propre au Québec milite en faveur de la continuité du recours intenté au Québec. Il s’agit de la règle appelée « first to file rule » qui tend à favoriser la première requête déposée advenant une situation de litispendance. Étant donné que le recours intenté au Québec l’a été en premier, ce dernier ne devrait pas être suspendu. D’ailleurs, lorsque l’on ordonne la suspension du recours, celle-ci vise toujours le second recours jusqu’à ce que l’on statue sur la première demande d’autorisation.[65] Ainsi, à la lumière de l’arrêt Hotte et de la jurisprudence ultérieure, lorsqu’il y a apparence de litispendance entre plusieurs requêtes en autorisation d’exercer un recours collectif, la première devrait être entendue et toute requête subséquente suspendue.
[66] Les intérêts de la justice et ceux des membres ne seraient pas mieux servis en suspendant la première requête en faveur de la seconde.
[67] Dans le cas présent, lorsque la Requête no. 1 Amendée aura été signifiée d’ici quelques jours, les requêtes seront au même point d’avancement dans les deux dossiers, c’est-à-dire en attente d’une date d’audition.
[68] Or, la Requête no. 1 Amendée est plus englobante que celle de monsieur Motzer, entre autres, puisqu’elle recherche la responsabilité de deux autres intimées en plus de Bell, que ses représentants potentiels résident dans plus d’une province et que les périodes pendant lesquelles ceux-ci ont été sous contrat avec l’une ou l’autre des intimées sont plus étendues.
[69] Il serait prématuré et inopportun de se prononcer avant l’audition des requêtes sur leur bien-fondé apparent ou sur leurs faiblesses apparentes, même si ce n’était qu’à première vue.
[70] Les critiques soulevées par le procureur de monsieur Motzer pourront être plaidées par les intimées lors de la présentation de la Requête no. 1 Amendée. Si l’autorisation est refusée, monsieur Motzer pourra ensuite présenter sa requête.
Dans l'affaire Wainberg, l'Honorable juge Louis J. Gouin semble également remettre en question l'application systématique de la règle, quoiqu'il estime que c'est à la Cour d'appel de venir changer l'état du droit si elle l'estime approprié:
[29] Thereafter, in Compagnie d'assurances Missisquoi Inc. v. Option consommateurs, the Court of Appeal, referring to the Hotte Judgment, added :"[15] En d'autres mots, tout ce que notre Cour a décidé, dans cette affaire Hotte, était de déférer purement et simplement les trois requêtes à un même juge de la Cour supérieure, lui donnant instruction de se saisir d'abord de celle qui avait été déposée la première devant les tribunaux, et de suspendre les deux autres requêtes jusqu'à l'adjudication sur celle-ci. Si elle était accueillie, la litispendance aurait alors son plein effet et les deux autres devraient donc être rejetées. S'il en était autrement et que la requête Hotte était rejetée, alors, le juge se saisirait de la deuxième, puis, le cas échéant, de la troisième."[30] And thus the so called "First to File" rule was born.
[31] Although some tend to favour an automatic application of the "First to File" rule, others, depending on the circumstances, advocate for a discretionary application thereof so as to avoid the practice mentioned above, namely : "[…] of rushing to commence overlapping actions in as many jurisdictions as possible in order to claim turf and secure carriage for law firms rather than to advance the interests of a putative class […]".
[...]
[33] No such criteria have yet been established by the Quebec Courts, although the Appeal Court may consider and determine a course of action further to the appeal of the Schmidt Judgment, which is presently under advisement.
[34] Indeed, in the Appeal Court judgment on the Motion for Leave to Appeal from the Schmidt Judgment, Justice Nicholas Kasirer, j.a.c., writes :"[2] Having heard the parties, including counsel for Mr. Dick, I am of the view that the matters raised in this case are among the exceptional circumstances that invite the Court to grant leave from a judgment rendered at this early stage in connection with a motion to authorize a class action. Without limiting in any way the scope of deliberations on the merits of the appeal, I am of the view that these exceptional circumstances include the relationship between the so-called first-to-file rule and the discretionary powers of the judge charged with the case management of the class action proceedings. Furthermore, I am of the view that the criteria for leave to appeal set forth in articles 29 and 511 C.C.P., applied here by analogy, are satisfied in the circumstances, in particular that the pursuit of justice requires that leave be granted."
[35] Therefore, until the Appeal Court renders its decision on the Schmidt Motion, the "First to File" rule still stands and prevails, except when it is obvious from the drafting of the motion that the best interests of the putative class members are not the counsel's priority.
Référence neutre: [2012] ABD 333
Autre décision citée dans le présent billet:
1. Compagnie d'assurances Missisquoi Inc. v. Option consommateurs, J.E. 2002-1497 (C.A.).
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