Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
En écrivant ce billet me vient un vent de nostalgie pour ma première année en droit à l'université de Sherbrooke. En effet, on discute de la qualification d'un bien à titre de meuble ou immeuble cet après-midi. Plus particulièrement, j'attire votre attention sur l'affaire Circuit Québec Ste-Croix (1985) Inc. c. 155707 Canada Inc. (2012 QCCS 3570) où l'Honorable juge François Huot souligne que pour qualifier un bien d'immeuble en vertu de l'article 903 C.c.Q., celui-ci doit être matériellement attaché ou réuni à l'immeuble, peu importe sa taille ou sa lourdeur.
Dans cette affaire, la Requérante demande au Tribunal de confirmer son droit de propriété sur divers biens liés à l'exploitation d'une piste de course automobile et d'en valider la saisie avant jugement. Elle réclame également de la Défenderesse 51 070,29 $ pour le remplacement de murets de béton, de même que 3 900,80 $ pour celui de divers biens qui ne se trouvent plus sur la propriété de la défenderesse.
Référence neutre: [2012] ABD 270
Une des questions préliminaires que doit trancher le juge Huot est celle de la qualification de certains biens. En particulier, il doit décider si les estrades, murets de béton, clôtures, lumières et haut-parleurs qui ont été saisis sont des biens meubles ou immeubles.
À la lumière du fait qu'aucun de ces biens n'est physiquement attaché ou réuni à un immeuble, il en vient à la conclusion qu'il s'agit de biens meubles. À cet égard, ni la lourdeur, ni la destination permanente des biens n'est pertinente selon le juge Huot:
[28] L'immobilisation par attache ou réunion matérielle requiert l'accomplissement des cinq conditions suivantes:
i) la présence d'un immeuble;
ii) une attache ou une réunion matérielle liant le bien à l'immeuble;
iii) la conservation de l'individualité du bien meuble et l'absence d'incorporation;
iv) un bien à demeure;
v) une fonction assurant l'utilité de l'immeuble.
[29] Les biens visés sont certainement utiles, voire nécessaires à l'exploitation d'une piste de course automobile.
[30] Cependant, pour être juridiquement qualifiés d'immeubles, ils doivent également être «matériellement attachés ou réunis à l'immeuble». Ce critère est plus exigeant que celui jadis requis par le Code civil du Bas-Canada pour «l'immeuble par destination». Le lien d'ordre fictif ou intellectuel développé par la jurisprudence sous l'ancien régime n'est plus suffisant.
[31] Commentant la nature du lien matériel nécessaire pour unir le bien meuble à l'immeuble sous l'article 903 C.c.Q., le professeur Lafond précise:
«Le lien matériel dont traite l'article 903 C.c.Q., s'il doit être suffisamment important pour résulter en une union réelle et non superficielle, est cependant moins fort que dans l'immobilisation par intégration (Art. 900 et 901 C.c.Q.), car le bien meuble n'a pas à être incorporé à l'immeuble ni à perdre son individualité […]. Entre l'immobilisation par intégration et l'immobilisation par attache ou réunion matérielle, il n'y a donc pas de différence de nature mais seulement une différence de degré.
Le fait qu'on puisse facilement détacher ou déplacer l'objet attaché ou réuni penche en faveur de l'immobilisation par attache plutôt que par intégration […].
Un tel lien exige cependant plus qu'un simple dépôt sur le sol ou l'immeuble. La difficulté de déplacer le bien meuble doit être une conséquence du rattachement ou de la réunion.»
[...]
[33] La preuve démontre que les biens saisis n'étaient pas «liés physiquement par des vis ou boulons à un encrage fixe lié au sol». Les estrades, clôture, lumières et haut-parleurs n'étaient que déposés sur le terrain sans y être autrement maintenus de quelque autre façon. Il en va de même des murets de béton, bien que selon monsieur Bergeron, un certain nombre d'entre eux étaient partiellement recouverts d'asphalte à leur base, sur une hauteur de 4 pouces. Le Tribunal considère que ce tapissement superficiel n'avait pas pour but de «fixer au sol» les blocs concernés, ceux-ci étant déjà suffisamment lourds et cimentés entre eux pour éviter tout déplacement accidentel.
[34] Comme le souligne la Cour d'appel, le fait que les biens saisis demeurent au sol «de façon continue, voire permanente, et que certains des biens soient lourds, ne permet pas d'occulter l'absence de lien matériel et concret. La simple présence d'un lien intellectuel de rattachement ne suffit plus.»
[35] Le soussigné estime donc que les biens visés par la présente requête sont des biens meubles.Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/OCVIHc
Référence neutre: [2012] ABD 270
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