mercredi 1 août 2012

On ne peut remettre en cause l'autorité de la chose jugée au motif qu'on a découvert des arguments additionnels postérieurement au jugement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En octobre 2011, j'attirais votre attention sur une décision qui soulignait que l'évolution subséquente de la jurisprudence sur une question donnée ne diminuait en rien l'autorité de la chose jugée acquise dans un jugement (voir mon billet ici: http://bit.ly/ODBEIt). Dans la même veine, j'attire aujourd'hui votre attention sur l'affaire Matériaux Inter-Québec Inc. c. Caisse populaire Grand-Coteau (2012 QCCA 1334), où la Cour d'appel indique que la découverte d'arguments subséquemment au prononcé un jugement ne peut servir pour remettre en cause la chose jugée.


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a accueilli une requête en irrecevabilité à l'encontre de son action en dommages. Ce faisant, le juge de première instance s'est déclaré d'accord avec l'argument de chose jugée plaidé par l'Intimée.

Je vous épargne la trame factuelle quelque peu complexe de cette affaire. Il suffit à cet égard de souligner que le litige découle d'une saisie avant jugement qui a subséquemment été cassée et des conséquences de cette cassation. Plus spécifiquement, l'Appelante réclame des dommages suite au non-retour allégué de certains biens et à l'endommagement allégué à d'autres.

La Cour d'appel rejette le pourvoi, étant d'opinion que le juge de première instance s'est bien dirigé. L'Honorable juge André Forget, au nom d'un banc unanime, prend l'occasion pour rappeler que la découverte de nouveaux arguments subséquemment au prononcé d'un jugement ne diminue en rien l'autorité de la chose jugée:
[48] Quant aux reproches déjà adressés à la Caisse populaire par Matériaux dans le premier dossier, il est manifeste qu'il y a chose jugée puisqu'on retrouve la triple identité prévue à l'article 2848 C.c.Q. :
2848.L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.
[49] Il en va de même quant aux faits survenus avant le jugement de première instance dans le premier dossier, mais qui auraient été portés à la connaissance de Matériaux uniquement après ce jugement. Matériaux aurait pu apprendre ces faits au cours de l'enquête en Cour supérieure, en interrogeant les représentants de la Caisse populaire ainsi que l'huissier et le gardien. 
[50] On ne peut remettre en cause l'autorité de la chose jugée au motif qu'on a découvert des arguments additionnels postérieurement au jugement, ainsi que le note un arrêt récent de la Cour, Werbin c. Werbin :
[8] En principe, on ne peut pas combattre l'effet de chose jugée d'un jugement en faisant valoir ultérieurement à son prononcé un argument de droit ou de fait qui aurait dû être avancé antérieurement. Si cela était possible, la stabilité des jugements serait mise à rude épreuve, puisqu'un plaideur pourrait toujours revenir à la charge en faisant valoir un moyen qui n'a été ni soulevé ni débattu alors qu'il aurait dû l'être, comme c'est ici le cas. On ne peut pas davantage combattre l'effet de la chose jugée en invoquant que le jugement est erroné en fait ou en droit.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/OBHZkq

Référence neutre: [2012] ABD 264

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Werbin c. Werbin, J.E. 2010-727 (C.A.).

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