jeudi 16 août 2012

Les présomptions de faits peuvent servir à établir tant la faute que le lien de causalité

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En matière de responsabilité civile, l'utilisation des présomptions de faits est souvent importante pour établir la faute d'une des parties. Mais il importe de garder à l'esprit que les présomptions peuvent également servir à établir le lien de causalité comme le rappelle l'Honorable juge Michel Girouard dans l'affaire Leroux c. Laporte (2012 QCCS 3804).

Dans cette affaire, les Demandeurs ont déposé une requête introductive d'instance en dommages réamendée par laquelle ils recherchent la responsabilité des Défendeurs et réclament des dommages totalisant 953 075,71 $. Cette réclamation découle de la chute d'un des Demandeurs suite à l'effondrement d'un escalier.

Les Demandeurs utilisent des présomptions de faits pour établir la faute des Défendeurs et l'existence d'un lien de causalité. Le juge Girouard indique que ce procédé est tout à fait approprié:
[34] Il est bien établi par notre jurisprudence qu'en matière de responsabilité, les présomptions de faits peuvent servir à établir aussi bien la faute que le lien de causalité. Dans l'arrêt Parent c. Lapointe page 747 :
Dans l'arrêt Parent c. Lapointe, M. le juge Taschereau, de la Cour suprême du Canada, a énoncé un principe constamment repris par les tribunaux. Il a déclaré ce qui suit :
Quand, dans le cours normal des choses, un événement ne doit pas se produire, mais arrive tout de même, et cause un dommage à autrui, et quand il est évident qu'il ne serait pas arrivé s'il n'y avait pas eu de négligence, alors c'est à l'auteur de ce fait à démontrer qu'il y a une cause étrangère, dont il ne peut être tenu responsable et qui est la source de ce dommage. Si celui qui avait le contrôle de la chose réussit à établir à la satisfaction de la Cour, l'existence du fait extrinsèque, il aura droit au bénéfice de l'exonération.
[35] Dans un autre jugement, Compagnie mutuelle d'assurances Wawanesa c. Gingras, la Cour d'appel nous rappelait les principes applicables en matière de preuve par présomption :
[44] En terminant, il est bon de reproduire le passage suivant relatif aux présomptions de fait : 
Les présomptions invoquées s'apprécient en fonction du poids des probabilités et la partie demanderesse qui a le fardeau d'établir sa cause doit fournir une preuve prépondérante. Les faits mis en preuve doivent mener à une conclusion qui, sans être certaine, doit à tout le moins être probable, et non seulement possible. Les présomptions de faits sont laissées à l'appréciation du tribunal (art. 2849 C.c.Q.). 
En vertu de l'article 2849 C.c.Q., le tribunal ne doit en effet prendre en considération que les présomptions de faits qui sont graves, précises et concordantes. Les faits sont graves lorsque le fait à déterminer s'infère logiquement du fait connu; ils sont précis lorsque le fait inconnu découle forcément du fait connu et ils sont concordants lorsque, ensemble, ils tendent à établir l'existence du fait inconnu. 
[Référence omise]
[36] Le Tribunal est d'avis que les demandeurs ont fait la preuve par présomption de la faute du défendeur Rheault. Un escalier, construit avec des matériaux neufs, récemment enlevé et ancré de nouveau par le défendeur, moins de vingt-quatre (24) heures avant l'accident, ne doit tout simplement pas s'écrouler. 
[37] Si cet escalier avait été bien fixé avec les matériaux convenables, le nombre de vis suffisant ou la longueur adéquate de ces dernières, il n'aurait sûrement pas cédé. 
[38] Le fait que cet escalier ait supporté tous ces usagers pendant deux (2) ou trois (3) semaines avant son enlèvement, sa réinstallation pour continuer les travaux après l'accident et après avoir été reconstruit et réinstallé par le défendeur démontre que, l'installation vingt-quatre (24) avant l'accident, était inadéquate. L'ancrage ou l'assemblage était insuffisant ou mal fait. 
[39] Les présomptions sont suffisamment graves, précises et concordantes pour conclure que le défendeur Rheault a commis une faute.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/OlgIUc

Référence neutre: [2012] ABD 286

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