lundi 27 août 2012

Les distinctions entre l'injonction provisoire et l'ordonnance de sauvegarde

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Bien qu'elles portent toutes le même nom, toutes les ordonnances de sauvegarde ne sont pas créées égales. Pas plus, selon l'Honorable juge Gérard Dugré, que l'ordonnance de sauvegarde n'est-elle identique à l'injonction provisoire. Dans Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Trudeau (2012 QCCS 4056), il fait état des différences entre les deux véhicules procéduraux.



Dans cette affaire, la partie demanderesse présente une demande pour l'émission d'ordonnances de sauvegarde en vertu de l'article 754.2 C.p.c. Particularité à retenir, cette demande n'a pas été précédée d'une demande d'injonction provisoire, ce qui amène la Défenderesse à faire valoir qu'il s'agit véritablement d'une demande d'injonction provisoire déguisée.
 
Le juge Dugré doit donc d'abord trancher la question de savoir s'il s'agit en l'instance d'une demande de sauvegarde ou d'une demande d'injonction provisoire. À ce chapitre, il souligne que la distinction est importante:
[15] Il est vrai que les tribunaux ont appliqué par analogie les critères de l’injonction provisoire pour trancher les demandes d’ordonnances de sauvegarde. Toutefois, le moment est venu de constater que les règles régissant l’octroi d’ordonnances de sauvegarde sont essentiellement différentes de celles régissant l’émission d’injonction interlocutoire provisoire. Ces critères sont décrits par les mêmes vocables – urgence, apparence de droit, préjudice irréparable, prépondérance des inconvénients, le cas échéant –, mais leur sens et leur portée comportent des différences fondamentales selon qu'ils s'appliquent à l'ordonnance de sauvegarde ou à l'injonction provisoire.
[16] D'abord, les textes législatifs qui régissent l’émission d’une injonction provisoire sont énoncés aux art. 752 et 753 C.p.c. tandis que l’octroi d’une ordonnance de sauvegarde est régi par diverses dispositions législatives (voir par exemple art. 46, 754.2, 813.3 et 835.4 C.p.c.).
[17] Ensuite, la notion d’urgence diffère selon que l’on demande une injonction provisoire ou une ordonnance de sauvegarde. En effet, dans le cas d’une injonction provisoire, l’urgence signifie la nécessité d’agir rapidement afin d’empêcher qu’un préjudice irréparable ne soit causé à celui qui demande l’injonction, alors que dans le cas d’une ordonnance de sauvegarde, l'urgence signifie essentiellement la nécessité de maintenir le statu quo afin de sauvegarder les droits des parties.
[18] De plus, le délai pendant lequel une injonction provisoire reste en vigueur, soit dix jours (art. 753 C.p.c.), ne s’applique pas à l’ordonnance de sauvegarde dont le délai est tributaire des circonstances. Toutefois, tant l’injonction provisoire que l’ordonnance de sauvegarde peuvent être demandées en début d’instance : art. 753 et 46 C.p.c. Chacune d’elle peut être émise par un juge par opposition au tribunal (art. 753, 46, 4f) et j) C.p.c.

[19] En outre, le but de l’injonction interlocutoire provisoire diffère fondamentalement du but de l’ordonnance de sauvegarde. Dans le cas de l’injonction provisoire, celle-ci vise essentiellement à éviter un préjudice irréparable à celui qui la demande, tandis que l’ordonnance de sauvegarde vise, en principe, la sauvegarde des droits des parties.

[20] La nature des ordonnances est, elle aussi, différente. L’ordonnance d’injonction provisoire est nécessairement de nature injonctive, tandis que l’ordonnance de sauvegarde peut être de nature injonctive, administrative ou procédurale.

[21] En somme, si une analogie existe entre l’injonction provisoire et l’ordonnance de sauvegarde, l’évolution du droit et des dispositions législatives régissant l’une et l’autre amène le soussigné à affirmer que les règles régissant maintenant l’une et l’autre sont fondamentalement différentes.

[22] Cela dit, de quoi le soussigné est-il saisi en l’espère?

[23] À la réflexion, le soussigné est d’avis que la Fraternité sollicite en début d’instance une ordonnance de sauvegarde afin de lui permettre de cheminer jusqu’à l’audition au fond – maintenant prévue pour les 15 et 16 octobre 2012 – tout en assurant la sauvegarde des droits des parties. La tâche du soussigné est donc de déterminer la ou les ordonnances minimales nécessaires pour que les parties puissent progresser jusqu’à l’audition au fond tout en sauvegardant les droits des deux parties.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/PgkeCO

Référence neutre: [2012] ABD 300
 

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