Étudiant en droit, Université de Sherbrooke
Il existe de ces décisions qui, a priori hors du champ d’expertise de plusieurs, peuvent parfois prendre soudainement toute leur importance dans certaines circonstances, ne serait-ce que pour rectifier les propos d’un non-juriste ayant eu ouï-dire d’une méthode de contestation d’une contravention pour excès de vitesse. C’est en ce sens que votre attention est attirée vers le jugement Mont-Tremblant (Ville de) c. Carle qui non seulement rapporte et fait la distinction entre les différentes décisions sur le sujet, mais énonce également les principes de droit entourant la présomption réfragable de vitesse dans un léger virement jurisprudentiel.
Dans cette affaire, un constat d’infraction a été délivré en vertu de l'article 328 du Code de la sécurité routière lors d’une opération de contrôle de la vitesse suite à l’interception d’un véhicule allant nettement au-delà de limite permise. La contravention est alors contestée par la partie défenderesse qui plaide ce qui suit :
[15] La preuve de la poursuivante est insuffisante à lui faire bénéficier de la présomption d'exactitude de la vitesse affichée sur le cinémomètre puisque le tribunal ne dispose d'aucune preuve que les tests effectués sur l'appareil l'ont été conformément aux recommandations du manufacturier.
La partie défenderesse plaide dans un deuxième temps le jugement Ville de Mont-Tremblant c. Jean Leroux qui affirme que la personne faisant la calibration du cinémomètre doit connaître la méthode préconisée par le manufacturier et s'assurer que les tests de calibration seront effectués conformément à cette méthode.
Dans une décision délimitant clairement le fardeau de preuve incombant à chaque partie, l’Honorable juge Michel Lalande abonde dans le sens inverse d’une décision antérieure qui semblait imposer à la poursuivante le fardeau d'établir que l'appareil a été calibré en conformité des exigences de son manufacturier :
[19] Le fardeau de preuve de la poursuivante, pour pouvoir bénéficier de la présomption d'exactitude de la vitesse enregistrée par le cinémomètre Doppler, est celui exigé par l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire «Ville de Baie-Comeau c. D'Astous», savoir la démonstration 1) que l'opérateur est qualifié, 2) que l'appareil fut testé avant et après l'opération et 3) que les tests démontrent que l'instrument est précis, en bon état de fonctionnement, exact et fiable.
[…]
[23] Lorsque la preuve de la vitesse à laquelle circulait un véhicule est faite au moyen d'un cinémomètre «Doppler», la poursuivante bénéficie d'une présomption réfragable de vitesse lorsqu'elle établit que l'opérateur de l'appareil était qualifié, qu'il a effectués, avant et après son opération, des tests sur son appareil et que ces derniers démontrent le bon fonctionnement de l'appareil.
[24] Comme le faisait remarquer mon collègue le juge Beauséjour, dans l'affaire précitée de «Ville de Mont-Tremblant c. Jean Leroux», au paragraphe 22 de ses motifs, «ce qu'établit cet arrêt, c'est que le juge au procès doit être convaincu que l'instrument utilisé contre le défendeur était en bon état de fonctionnement, exact et fiable».
[…]
[26] Dans l'état actuel de notre droit, aucune autre preuve n'est nécessaire pour que la poursuivante puisse bénéficier de la présomption d'exactitude de la vitesse affichée par le cinémomètre.
[27] Dès lors, une preuve prima facie de la vitesse à laquelle circulait le véhicule est établi et il appartient à la défenderesse de soulever un doute à cet égard.
[28] Certes, ce doute peut résulter de la preuve que la calibration de l'appareil n'a pas été effectuée conformément aux exigences du manufacturier, mais encore faut-il une preuve de ces exigences.
[29] La connaissance judiciaire du Tribunal ne s'étend pas aux exigences particulières des différents manufacturiers de cinémomètre, ni au contenu de leurs manuels d'utilisation.
[30] Si la défenderesse prétend que l'opérateur du cinémomètre n'en a pas effectué la calibration en conformité des exigences du manufacturier, il lui appartient d'en faire la preuve.
[31] En ce sens, je diffère donc d'opinion avec mon collègue Beauséjour qui, dans l'affaire Jean Leroux précitée semble imposer à la poursuivante le fardeau d'établir que l'appareil a été calibré en conformité des exigences de son manufacturier.
Le texte intégral du jugement est disponible ici:
http://bit.ly/Qtf0n5
Référence neutre: [2012] ABD 302
Autres décisions citées dans le présent billet:
1.
Ville de Mont-Tremblant c. Jean Leroux, CM Mont-Tremblant, 06-00777-8, 3 décembre 200.
2. Ville de Baie-Comeau c. D'Astous, [1992] R.J.Q. 1483 (C.A.).
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