lundi 9 juillet 2012

Une expertise autrement pertinente ne peut être écartée du dossier au seul motif que l'expert se prononce sur la question ultime à trancher

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En mars dernier, j'attirais votre attention sur une décision de la Cour d'appel qui refusait de rejeter une expertise au stade préliminaire au motif qu'elle se prononçait sur la question ultime à trancher par la Cour. C'est pourquoi j'attire aujourd'hui votre attention sur l'affaire Claveau c. Couture (2012 QCCS 3081) où l'Honorable juge Line Samoisette en vient à la même conclusion.


Dans cette affaire, les Défendeurs demandent le rejet du rapport d'expert d'un arpenteur-géomètre déposé par les Demandeurs au motif que ce rapport se prononce sur l'ultime question à trancher par la Cour. Selon les Défendeurs, ce faisant l'expert usurpe le rôle du juge saisi du mérite de l'affaire.

La juge Samoisette rappelle d'abord que le juge au mérite n'est pas lié par quelque expertise que ce soit:
[21] Le témoin expert peut, à la différence du témoin ordinaire, donner son avis dans son champ de compétence. L'article 2843 du Code civil du Québec se lit :
«2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis. 
Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à l'instance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi. » 
(notre soulignement)
[22] Il convient de rappeler également que le Tribunal n'est pas tenu de suivre l'opinion de l'expert.
Ainsi, même si un expert se prononce théoriquement sur l'ultime question à trancher, la Cour pourra toujours mettre cette partie de son expertise de côté lors du mérite de l'affaire, particulièrement si certaines parties de l'expertise apparaissent dès maintenant pertinentes:
[31] L'arpenteur-géomètre Michel Perreault cette fois-ci a agi dans les limites de ses compétences et de son expertise pour émettre son opinion. Son rapport s'appuie essentiellement sur des calculs et constatations relevant de son domaine d'expertise.  
[32] Il ne s'agit pas ici d'une opinion juridique, mais bien d'un avis sur la délimitation du lot 11. Le rôle de l'arpenteur-géomètre est d'éclairer le Tribunal et l'aider à apprécier une preuve soulevant des questions techniques. 
[33] Au surplus, récemment, la Cour d'appel a décidé que s'il y avait empiètement dans une question qui relève de l'appréciation du Tribunal, cela ne saurait justifier le rejet d'une expertise autrement pertinente. 
[34] En l'instance, les reproches des défendeurs sont plutôt de la nature d'une contestation de la valeur probante du rapport de l'arpenteur-géomètre Perreault. Les défendeurs sont à n'en pas douter en désaccord avec son opinion. En pareil cas, ils pourront, s'ils le souhaitent, produire une expertise et éventuellement contre-interroger le témoin à l'audition.
Référence neutre: [2012] ABD 230

Autre décision citées dans le présent billet:

1. Publications Canwest Inc. c. Dibona, 2012 QCCA 421.

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