lundi 2 juillet 2012

Pas de renonciation anticipée en droit de l’emploi

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Dans presque toutes les relations contractuelles, les parties tentent, dans la mesure du possible, de contrôler et limiter leur risque. Il existe cependant des domaines de droit où cela n’est pas possible. On pense notamment au droit de la consommation et au droit de l’emploi. C’est de ce dernier que je désire discuter aujourd’hui avec vous.


Il va sans dire que dans la plupart des congédiements, hormis les cas où l’on demande la réintégration, la question centrale est celle de la durée du préavis de terminaison auquel a droit l’employé. À cet égard, l’on voit couramment des contrats d’emploi qui prévoient d’avance le préavis auquel aura droit l’employé. Or, les tribunaux québécois ont jugé ces clauses invalides parce que contraires aux dispositions pertinentes du Code civil du Québec et, plus particulièrement, son article 2092. Plusieurs jugements récents illustrent ce propos.

Notons d’abord la décision rendue par la Cour supérieure du Québec en mai dernier dans l'affaire Bolduc c. Consultants en gestion de patrimoine Blue Bridge Inc. (2012 QCCS 2277).

Dans cette affaire, la Demanderesse réclamait de la Défenderesse une somme de $88,480.60 pour congédiement sans motif sérieux. La Défenderesse contestait cette réclamation en alléguant qu'elle avait des motifs sérieux pour mettre fin à son emploi. Subsidiairement, elle faisait valoir que le contrat d'emploi de la Demanderesse prévoit un préavis de terminaison de 30 jours.

L'Honorable juge Sylviane Borenstein rejette la défense présentée par la Défenderesse. Non seulement en vient-elle à la conclusion qu'elle n'a pas fait la preuve des motifs sérieux allégués, mais elle souligne que la clause qui limite le préavis de terminaison est inopposable en raison de l'article 2092 C.c.Q.:
[64] La juge Bich, alors qu'elle était professeure, a écrit:
"[…] l'article 2092 remet en cause la validité des clauses qui, dans les contrats de travail, prétendent fixer le délai de congé auquel aura droit le salarié en cas de résiliation du contrat sans motif sérieux. De telles clauses avaient été jugées valides par la jurisprudence antérieure, sur la base du respect des volontés contractuelles librement échangées, mais on doit tenir pour avéré qu'elles contreviennent désormais à l'article 2092 C.c.Q., sauf dans la mesure où elles stipulent un délai de congé qui ne serait pas inférieur à celui auquel le salarié aurait droit en vertu du droit commun. […]"
Cette décision suivait le même courant que celle rendue par l’Honorable juge Clément Gascon (alors à la Cour supérieure) dans Guerchon c. Rubble Master Systems Inc. (9218-1445 Québec Inc.) (2012 QCCS 1093). Dans celle-ci, le juge Gascon citait la décision de la Cour d’appel dans Hemens c. Sigvaris Corp. (2004 AZ-50278985) pour appuyer le principe voulant que l’employé ne pouvait pas, comme question d’ordre public, renoncer d’avance à recevoir une indemnité de départ raisonnable. Ainsi, il ne peut, avant la date de la fin de son emploi, abandonner, en tout ou en partie, ce droit en prévoyant contractuellement la durée du préavis.
La question est importante endroit de l’emploi et cette jurisprudence relativement méconnue. Assurez-vous donc d’informer vos clients (tant employeurs qu’employés) de l’inapplicabilité de ces clauses en cas de congédiement sans motifs sérieux.
Référence neutre: [2012] ABD 219

Ce texte a initialement été publié sur le site Droit Inc. (www.droit-inc.com) le 19 juin 2012.

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