vendredi 29 juin 2012

L'affidavit soumis au soutien d'une requête pour injonction provisoire ou pour ordonnance de sauvegarde ne peut se baser sur du ouï-dire

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

On remonte dans le temps cet après-midi pour discuter de la preuve par affidavit dans le cadre de demandes d'injonction. À cet égard, plusieurs prennent erronément assise sur la jurisprudence applicable en matière de saisie avant jugement pour soumettre que l'affidavit soumis peut contenir du ouï-dire dans la mesure où on identifie la source de la déclaration. Or, comme le souligne l'affaire Gestion Ber G inc. c. Rive gauche Inc. (2006 QCCS 5900), l'affidavit soumis au soutien d'une demande d'injonction doit faire preuve de son contenu et ne peut donc contenir du ouï-dire.


Dans cette affaire, les Défendeurs demandent la radiation de plusieurs allégations contenues dans un affidavit soumis au soutien d'une demande d'ordonnance de sauvegarde au motifs que ces allégations rélèvent de l'opinion ou constituent du ouï-dire.

En contestation, les Demandeurs rétorquent que, dans la mesure où l'affidavit donne ses sources, il peut se baser sur du ouï-dire à ce stade.

L'Honorable juge Claude Henri Gendreau rejette cet argument et rappelle que l'affidavit soumis au soutien d'une injonction doit faire preuve de son contenu et tenir lieu de témoignage, ce qui implique nécessairement qu'il doit répondre aux mêmes règles que le témoignage ordinaire:
[13] Pour contrer l'usage du ouï-dire, les demandeurs réfèrent le Tribunal à l'article 735 C.p.c. qui prescrit, dans les cas d'une saisie avant jugement, que l'affidavit doit «indiquer les sources d'information du déclarant»
[14] Nous sommes en matière d'injonction et les articles 753 et 754.1 C.p.c édictent :
[...]  
[15] Dans le traité sur l'Injonction, on distingue ces deux articles en ces termes :
« L'affidavit de la partie requérante répond aux exigences du Code de procédure civile (art. 91, 93, 753) même si le déclarant n'atteste pas que les faits allégués lui sont connus personnellement. Cependant, la preuve des faits allégués dans la requête doit se faire par affidavits suffisamment détaillés pour établir tous les faits nécessaires au soutien des prétentions de la partie (art. 754.1). Ainsi, il y a lieu de distinguer entre une constatation personnelle (témoignage écrit contenu dans l'affidavit détaillé) qui fait preuve (art. 754.1) et l'attestation personnelle de véracité (affidavit de la partie requérante) produite au soutien de la requête en injonction interlocutoire (art. 753). »
[16] Dans l'affaire de Larose, Paquette et Associés c. Voies du Québec Transport inc., le juge Jacques de la Cour d'appel s'exprime ainsi :
« Il s'agit là d'un moyen de preuve qui dispense le requérant de faire une preuve par témoins entendus Cour tenante. Il s'agit à toutes fins utiles d'un témoignage écrit plutôt qu'oral. Cet affidavit doit par ailleurs répondre à tous les critères et règles de preuve qui s'appliqueraient à un témoignage oral. Le déposant peut y annexer des documents et y référer, mais uniquement dans la même mesure qu'il pourrait le faire s'il était présent devant le tribunal. Cette interprétation est justifiée par le texte même de l'article 754.2 »

C'est pourquoi le juge Gendreau ordonne la radiation des paragraphes qui se basent sur du ouï-dire.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/KXaNpg

Référence neutre: [2012] ABD 218

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Larose, Paquette et Associés c. Voies du Québec Transport inc., J.E. 89-756 (C.A.).

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