Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
L'on discute souvent sur ce blogue du devoir de loyauté et de son étendue. Comme nous le soulignons souvent, ce devoir n'implique pas des obligations de non-concurrence ou de non-sollicitation pour l'employé, mais plutôt seulement l'obligation de ne pas agir de manière déloyale. Or, comme le souligne la Cour supérieure dans l'affaire 9129-3845 Québec Inc. c. Dion (2012 QCCS 2078), l'employé qui non seulement met sur pied sa nouvelle entreprise, mais commence également à contacter les clients de son employeur avant d'avoir quitté son emploi agit de manière déloyale.
Dans cette affaire, la Demanderesse recherche principalement qu'il soit ordonné à deux de ses anciens employés et à la société par actions qu'ils ont formée de ne pas effectuer de travail pour les six principaux clients qu'elle dessert en construction résidentielle et de ne pas les solliciter.
La preuve révèle que que les deux anciens employés en question ont formé, organisé et développé leur nouvelle entreprise alors qu'ils étaient toujours à l'emploi de la Demanderesse et qu'ils ont commencé à contacter des clients de leur employeur pendant la même période.
L'Honorable juge Charles Ouellet rappelle d'abord que l'obligation de loyauté n'empêche pas les anciens employés de faire concurrence à leur ancien employeur, même vigoureusement:
[44] En l'absence de clause de non-concurrence, un ex-salarié peut concurrencer son ex-employeur, même vigoureusement. L'obligation de loyauté existe pendant l'emploi. Après la fin de celui-ci, elle ne subsiste que dans une forme atténuée et pour un délai raisonnable, dont la durée dépend des circonstances de chaque espèce mais « qui dépasse rarement quelques mois »
Cependant, le juge Ouellet est d'opinion que toutes les démarches préalables à la fin de leurs emplois effectués par les Défendeurs constituent une contravention à leur devoir de loyauté:
[47] Le Tribunal considère par contre que les défendeurs ont violé leur obligation de loyauté en contactant Odyssées et en mettant sur pied leur entreprise pendant la durée de leur emploi chez Concept. L'effet combiné d'annoncer à l'avance la création de leur entreprise à Odyssées, de faire préalablement tous les préparatifs pour son démarrage et de réduire les effectifs de leur ex-employeur par leur démission-surprise a eu pour conséquence de procurer aux défendeurs un avantage déloyal pendant une durée de temps limitée après leur départ.
[48] Cet avantage consiste dans le fait que les défendeurs ont été en mesure de faire une compétition directe à Concept et d'obtenir un premier contrat de la part d'Odyssées dans les quelques jours qui ont suivi leur démission, sans autre délai, ce qui a pris Concept par surprise.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/JjZFmJ[49] Le Tribunal croit que dans ces circonstances, les défendeurs doivent s'abstenir de solliciter directement et de desservir les clients de Concept pendant un délai qui cependant n'excédera pas les trois mois à compter de leur démission. Cela correspond sensiblement au temps qui aurait été nécessaire pour constituer leur entreprise si les défendeurs s'y étaient afférés après plutôt qu'avant leur démission.
Référence neutre: [2012] ABD 157
La Cour d'appel a confirmé ce jugement le 9 juillet 2012. Vous pouvez lire mon billet sur ce jugement ici: http://bit.ly/Nl5hdh
RépondreEffacerBonjour M. Renno, je me trouve dans une situation de concurrence envers une entreprise pour laquelle je travaillais de chez-moi occasionnellement en tant que graphiste (travailleuse autonome). Je leur facturais rarement plus de 200 $ / mois de travail. J'ai cessé le 12 septembre dernier de travailler pour eux dans l'intention de solliciter un bassin plus large de clients, dont les leurs aussi. Je m'inquiétais du délai raisonnable, et à la lecture de votre article je comprends qu'un délai de 4 mois serait suffisant pour ne pas être poursuivie par ces derniers???
EffacerMerci de votre réponse.