jeudi 17 mai 2012

La nécessité d'une preuve complexe et coûteuse quant aux dommages réclamés justifie la scission de l'instance

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'introduction par le législateur de l'article 273.1 C.p.c., lequel permet à la Cour de scinder les questions de responsabilité de celles reliées au quantum des dommages, avait pour objectif de donner à la magistrature un outil supplémentaire pour assurer la saine administration de la justice. L'utilisation de ce pouvoir est particulièrement à propos lorsque la preuve des dommages sera longue, complexe ou dispendieuse, tel que le note l'Honorable juge Charles Ouellet dans Parenteau c. Ski Bromont.com (2012 QCCS 2068).


Dans cette affaire, les Demandeurs, s'appuyant sur l'article 273.1 C.p.c., requièrent la scission de l'instance dans le cadre de laquelle ils réclament à la Défenderesse des dommages et intérêts suite à un accident de ski survenu le 31 janvier 2009.

Le juge Ouellet est d'avis que cette scission est appropriée est la lumière de la preuve complexe et dispendieuse des dommages qui aura à être faite. Selon lui, le bon sens milite en faveur d'une solution qui requière la présentation de cette preuve au seul cas où la Cour retient d'abord la responsabilité de la Défenderesse:
[19] L'établissement du quantum nécessitera quant à lui de façon certaine plusieurs expertises et contre-expertises. Les coûts et les efforts en seront importants pour les deux parties et ce fardeau sera particulièrement lourd pour la demanderesse qui devra se soumettre aux examens des experts et pour qui le coût des expertises ne sera pas défrayé à partir d'un budget d'exploitation d'entreprise, ni déductible d'impôt. Le fardeau deviendra d'autant plus pesant si les demandeurs sont en même temps et par surcroît appelés à obtenir des expertises sur la question de la responsabilité. Il y a un risque d'épuisement. 
[20] D'autre part et tout en ne faisant pas de ceci un motif déterminant son jugement, le Tribunal souligne que la scission ne risque pas, selon lui, de retarder d'éventuels pourparlers de règlement comme le soutient la défenderesse, mais au contraire qu'un jugement rendu plus rapidement sur la responsabilité a des chances de les favoriser. 
[21] Le Tribunal croit aussi qu'un jugement préalable sur la responsabilité, s'il retient la responsabilité totale ou partielle de la défenderesse, permettra de mieux cerner l'étendue des dommages que les experts auront à évaluer. C'est en principe le même juge qui présidera à l'instruction sur la responsabilité et sur le quantum. Il lui sera sans doute possible, s'il retient la responsabilité de la défenderesse en tout ou en partie, de préciser dans son jugement sur cette question en quoi consistent la ou les fautes de celle-ci d'une façon telle que la preuve des dommages puisse ensuite se limiter à ceux qui en découlent. À titre d'exemple, il est possible que les parties sachent clairement suite au jugement sur la responsabilité, s'il est nécessaire ou pas de départager les dommages découlant de l'absence de protection du poteau par des coussins de l'ensemble des dommages causés par l'accident. 
[22] La scission de l'instance permettra aussi une économie importante aux deux parties dans l'hypothèse où aucune responsabilité ne serait imputée à la défenderesse. 
[23] Dans ces circonstances, le Tribunal croit qu'il s'agit d'une situation où les fins de la justice seront bien servies par une scission de l'instance, les demandeurs ayant suffisamment démontré que la scission s'impose ici pour favoriser l'accès à la justice, assurer le respect de la proportionnalité et veiller à une saine administration de la justice.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Kv3q7W

Référence neutre: [2012] ABD 156

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