mardi 8 mai 2012

L'acquéreur d'un immeuble a un recours en vices cachés non seulement contre son vendeur, mais aussi contre les propriétaires préalables

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La décision de la Cour suprême du Canada dans General Motors Products of Canada c. Kravitz a opérer une véritable révolution quant aux droits d'un acheteur en ce qui a trait à ses recours judiciaires. En effet, la Cour posait alors le principe voulant que l'acheteur avait un recours non seulement contre son vendeur, mais également contre les autres personnes qui forment la "chaîne" de vente (i.e. les propriétaires préalables). Lors de l'adoption du Code civil du Québec, le législateur a d'ailleurs codifié cette règle à l'article 1442 C.c.Q. Dans l'affaire Légère c. 131666 Canada Inc. (2012 QCCS 1850), l'Honorable juge Pierre Isabelle indique que cette règle s'applique également en matière de vente immobilière, de sorte que l'acheteur possède un recours direct contre les anciens propriétaires de l'immeuble.


Dans cette affaire, les Demandeurs intentent un recours en dommages en raison des vices cachés dont ils allèguent leur immeuble est affecté. Chose particulière, ils intentent cette poursuite non pas contre la personne qui leur a vendu l'immeuble en question, mais plutôt contre la personne morale qui avait vendu l'immeuble à cette dernière.

Le juge Pierre Isabelle doit donc d'abord déterminer si les Demandeurs possèdent un recours direct contre la Défenderesse, sans à avoir à mettre en cause leur vendeuse. Le juge Isabelle n'a aucune hésitation à répondre par l'affirmative à cette question:
[76] La présente affaire présente par contre une particularité lorsqu'on la compare à la plupart des recours exercés en matière de vice caché par un acheteur contre son vendeur. En effet, l'action est intentée par le sous-acquéreur d'un immeuble à l'encontre de l'auteur de son vendeur. 
[77] Ce recours est possible en vertu des dispositions de l'article 1442 C.c.Q. adopté à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire General Motors Products of Canada vs Kravitz. Le recours direct de l'acquéreur d'un immeuble contre un vendeur précédent existe donc en droit québécois. Ce recours permet à l'acquéreur de poursuivre outre son vendeur, un vendeur antérieur, car les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s'ils constituent l'accessoire d'un bien qui leur est transmis ou s'ils lui sont intimement liés. 
[78] Dans l'arrêt Hay c. Jacques, la Cour d'appel conclut que les principes de l'arrêt Kravitz permettent le recours direct du sous-acquéreur contre le vendeur en matière immobilière. 
[79] Un tel recours présuppose cependant la preuve que le droit d'action du premier acquéreur contre son vendeur a été transmis aux acquéreurs subséquents et cela, jusqu'aux demandeurs. Dans l'arrêt Compagnie d'assurance ING du Canada c. Gervais, il a été décidé que lorsque le sous-acquéreur exerce un recours direct contre un vendeur antérieur sans mettre en cause ou poursuivre son propre vendeur, il doit démontrer que le droit de poursuivre le vendeur antérieur existait pour chaque acquéreur subséquent de l'immeuble. Il doit prouver que la garantie accessoire à l'immeuble ne s'est pas éteinte à travers la chaîne de titres et qu'il est toujours en droit d'en réclamer le bénéfice. Ainsi, il revient au demandeur de prouver l'existence d'un vice caché au sens du Code civil du Québec au moment de chaque vente. Par contre, la présomption de l'article 1729 C.c.Q. bénéficie également au sous-acquéreur.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/JbilVF

Référence neutre: [2012] ABD 141

Autre décision citée dans le présent billet:
1. General Motors Products of Canada c. Kravitz, [1979] 1 R.C.S. 790.
2. Hay c. Jacques, 1999 CanLii 13323 (C.A.).
3. Compagnie d'assurance ING du Canada c. Gervais, 2008 QCCQ 7152.

1 commentaire:

  1. La jurisprudence est existante pour un sous-acquéreur qui demande une réduction de prix ou remboursement des dommages-intérêts. Par contre, je ne trouve pas de jurisprudence pour un sous-acquéreur qui demande l'annulation de la vente. De Laurent Brodeur, chezmiroir@videotron.ca

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