Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Décision très intéressante en matière de droit de l'emploi cet après-midi. En effet, lorsque l'on tente de déterminer la durée de préavis de terminaison auquel a droit un employé en vertu de l'article 2091 C.c.Q., l'on regarde généralement une liste de facteurs assez bien connue (âge, années d'expérience, années de services, poste occupé, opportunité de trouver un autre poste équivalent, etc.), mais en ne regarde généralement pas les cirsconstances financières dans lesquelles se retrouve l'employeur. J'attire donc votre attention sur l'affaire Bernatchez c. Commonwealth Plywood ltée. (2012 QCCS 2119) puisqu'il s'agit que la première cause dont j'ai connaissance où la Cour accorde un préavis de terminaison moindre en raison de la situation financière dans laquelle se retrouve la compagnie.
Dans cette affaire, le Demandeur réclame une indemnité de départ de la Défenderesse laquelle est équivalente à un préavis de terminaison de 24 mois. Le Demandeur a travaillé pour la Défenderesse pendant 35 ans avant d'être congédié en raison du manque de travail dans l'industrie forestière.
Après avoir rejeté les arguments de la Défenderesse quant au fait que le Demandeur n'aurait droit à aucune indemnité de départ, l'Honorable juge Michel Girouard se penche sur la durée dont devrait être ledit préavis. À ce chapitre, il en vient à la conclusion que ses circonstances militent en faveur d'un préavis de 24 mois.
Cependant, le juge Girouard opine que l'article 2091 C.c.Q. exige également que l'on prenne en considération les circonstances de l'employeur. Ici, la preuve est abondante quant aux difficultés que connaît l'industrie forestière. Cela amène donc le juge Girouard à accorder plutôt une indemnité de 18 mois:
[78] En ce qui concerne la durée du préavis comme l'indique l'article 2091 du Code civil du Québec, il faut tenir compte des circonstances particulières de chacune des affaires.
[79] Dans la présente affaire, la preuve ne révèle pas de mauvaise foi de la part de la défenderesse, non seulement il n'y a pas de mauvaise foi apparente chez la défenderesse, mais les difficultés causées à la défenderesse par la crise forestière ne font pas de doute.
[80] Sans cette importante crise financière, il est possible que le demandeur aurait eu droit à un préavis de la durée maximum reconnue par notre jurisprudence soit vingt-quatre (24) mois. Cependant, le Tribunal croit que les circonstances dans lesquelles doit s'appliquer le délai-congé doivent être analysées non seulement en fonction du demandeur, mais également en fonction de la défenderesse.
Commentaire:[81] C'est pourquoi le Tribunal fixera l'indemnité à laquelle a droit le demandeur conformément à un préavis de dix-huit (18) mois.
Le principe énoncé dans cette décision me surprend. En effet, l'article 2091 C.c.Q. invite la Cour à prendre en considération les "circonstances particulières dans lesquelles [l'emploi] s'exerce" et non pas généralement les circonstances afférentes à toutes les parties au litige. En plus de ne pas nous paraître conforme au libellé législatif, ce principe ouvre la porte à une preuve possiblement élaborée de la situation financière d'un employeur pour les fins de détermination d'une indemnité raisonnable. Il y a là potentiel d'abus d'un côté comme de l'autre. En effet, on donne carte blanche à l'ex-employé pour fouiller dans la santé financière de l'employeur et on donne a ce dernier une licence pour présenter une preuve possiblement longue et complexe quant à sa situation financière dans l'objectif de réduire l'indemnité à payer. Ce n'est pas là un développement jurisprudentiel souhaitable selon moi.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/LcOeYK
Référence neutre: [2012] ABD 164
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