Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Les tribunaux insistent souvent sur la
nécessité pour les experts de présenter leur opinion de manière objective et
indépendante. Dans l'affaire Fortier c. Lavoie (2012 QCCA 754), la Cour
d'appel indique qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des connaissances techniques
particulières pour constater qu'une expertise n'est pas préparée dans les règles
de l'art et donc qu'un juge peut très bien, sans l'aide d'un autre expert, en
venir à la conclusion que le travail effectué est déficient et même
fautif.
La SAAQ retient les services de la physiatre Appelante pour
préparer une expertise sur les répercussions des blessures subies par l’Intimé
dans un accident d’automobile, particulièrement par rapport à l’exercice de sa
profession. Elle conclut que l'Intimé n'a aucune limitation ou restriction et
que les blessures subies n’ont laissé « aucune séquelle objective ». Sur
la base de ce rapport, la SAAQ cesse d’indemniser l’Intimé.
Suite à l'appel de cette décision, la SAAQ fait examiner
l’Intimé par un autre expert qui conclut que l’Intimé est inapte à reprendre son
travail à temps plein et que des séquelles permanentes demeurent. L'Intimé a
donc gain de cause.
Suite à ces développements, l'Intimé intente une poursuite en
dommages contre l’Appelante en raison de son rapport « biaisé et erroné ».
La juge de première instance en vient à la conclusion que le
rapport est incomplet et superficiel. Sur cette base, elle conclut à la faute de
l'Appelante. Cette dernière porte le jugement en appel et plaide que l'absence
d'une expertise qui démontrait que son rapport n'a pas été préparé dans les
règles de l'art, la juge de première instance n'aurait pas dû en conclure à la
faute.
Dans un jugement unanime, la Cour confirme la décision de
première instance et souligne que la juge était tout à fait à même de tirer des
conclusions sur la question sans l'aide d'un expert:
[11] Le jugement ne constitue pas un code de rédaction des expertises médico-légales, mais plus simplement un exposé des normes que les parties ont mises en preuve et à partir desquelles elles ont débattu de la valeur du rapport de l’appelante.
[12] Il n’est pas nécessaire de recourir à un expert pour savoir qu’un rapport doit être « objectif et rigoureux », que les données rapportées doivent être exactes et pertinentes et que les faits mettant en doute la probité d’une personne doivent avoir été vérifiés avec soin.
[13] L’opinion de l’appelante était mal fondée. Dès le départ, elle a douté de l’intimé –peut-être une première impression négative – et son rapport en est resté teinté, sans vérification approfondie.
[14] L’appelante fait encore reproche à la Juge de n’avoir pas écouté le seul témoin expert dans l’affaire, le sien.
[15] La Juge n’a pas ignoré ce témoin. Elle souligne certaines faiblesses dans sa déposition, certaines concessions qu’il a dû faire, certaines « hypothèses non corroborées » dont l’une contredite par une lettre du médecin traitant de l’intimé, écrite « quatre jours après l’accident » et que cet expert « avait en sa possession ».
[...]
[18] Rédiger un rapport d’expertise avec objectivité et rigueur ne participe pas de l’exercice de la médecine, cette exigence est la même pour toute discipline.
[19] De plus, la Juge disposait ici d’une preuve sur laquelle elle s’est fondée, soit la documentation professionnelle du Collège des médecins et les exigences contractuelles de la SaaQ pour l’expertise.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/JP6BYS[20] Après 16 jours de procès, la Juge a minutieusement décrit les faiblesses et les manques dans l’expertise de l’appelante. Celle-ci ne nous a pas fait voir d’erreur dans ses constats de fait, qui sont étayés par la preuve.
Référence neutre: [2012] ABD 129
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