vendredi 20 avril 2012

Le décret d'un lock-out n'annule pas la compétence de l'arbitre de grief désigné dans une convention collective

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Qu'advient-il lorsque, à l'expiration d'une convention collective, l'employeur décrète un lock-out? Est-ce que l'arbitre de grief désigné dans la convention collective continue d'avoir compétence sur les affaires qui découlent de ladite convention? C'est la question que devait trancher la Cour supérieure dans Provigo Québec inc. c. Poulin (2012 QCCS 1564).

Dans cette affaire, la Requérante présente une requête en révision judiciaire demandant au Tribunal de déclarer que l'arbitre intimé a outrepassé sa juridiction en déclarant qu'il avait compétence pour décider des griefs.
La Requérante et ses employés étaient liés par une convention collective qui expirait le 30 mars 2010. Faute d'entente sur une nouvelle convention collective, la Requérante décrète un lock-out le 2 avril 2010. Le syndicat des employés soumet des griefs liés à la convention collective à l'arbitrage désignée par celle-ci en mai et juin 2010.

La Requérante s'objecte à la compétence de l'arbitre, étant d'avis que celui-ci n'a plus aucun pouvoir en raison du vide juridique qui existe depuis le lock-out du 2 avril 2010. En effet, selon la Requérante, la convention collective ne produit plus aucun effet depuis cette date.

L'arbitre rejette cette prétention de la Requérante et l'Honorable juge Michel Caron ne vot pas de motifs pour intervenir à l'égard de cette conclusion. Pour ce dernier, il serait illogique de permettre à un employeur de se soustraire de la juridiction d'un arbitre de grief simplement en décrétant un lock-out:
[31] D'autre part, les parties ont convenu que la convention collective demeurerait en vigueur jusqu'au 31 mars 2010, date à laquelle cette convention devenait une convention intérimaire sous réserve des droits des parties, jusqu'à la signature d'une nouvelle convention collective de travail.
[32] Il va de soi que les droits des parties incluent le droit de lock-out ainsi que le droit de grève.
[33] Par ailleurs, l'alinéa 3 de l'article 59 du Code du travail prévoit que:
Les parties peuvent prévoir dans une convention collective que les conditions de travail contenues dans cette dernière vont continuer de s'appliquer jusqu'à la signature d'une nouvelle convention» alors que l'article 28.02 de la convention collective stipule que «cette convention, à son expiration, devient une convention intérimaire sous réserve des droits des parties jusqu'à la signature d'une nouvelle convention collective de travail.
[34] Si on lit en corrélation ces deux articles, les termes de la convention collective continuent de s'appliquer, à tout le moins, jusqu'à la date du licenciement des employés.
[35] Ainsi, il n'y a pas, comme le prétend la requérante, un vide juridique.
[36] Le Tribunal conclut ainsi que l'arbitre, tel qu'il l'a décidé, avait la compétence pour se prononcer, tant sur les dispositions découlant de la convention collective intervenue entre les parties, que sur celles découlant de l'application de la Loi sur les normes du travail.
[37] Conclure autrement permettrait à tout employeur de décréter un lock-out à la fin d'une convention collective pour se soustraire à la compétence de l'arbitre de griefs et à l'application de la convention collective, et de là, à l'obligation de paiement des indemnités payables, selon le texte même de cette convention, en cas de licenciement collectif.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/IcBKCb

Référence neutre: [2012] ABD 121

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