Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
La publicité des droits a pour objectif
l'opposabilité envers les tiers de certains droits. Cependant, comme le rappelle
la Cour d'appel dans l'affaire 9089-3777 Québec Inc. c. Fischer (2012 QCCA
29), la publication ou son absence ne peut avoir pour effet d'affecter le droit
de propriété des biens dont il est question à moins de disposition expresse de
la loi à cet effet.
Dans cette affaire, la société Mise en cause
(la saisie) s'était portée acquéreur de certains biens et aurait assumé une
créance due à l'Intimé (le saisissant). Par la suite, sa débitrice ayant fait
défaut d'honorer ses engagements, l'Intimé a intenté une action en Cour du
Québec, accompagnée d'une saisie avant jugement de divers biens, dont deux
camions.
L'Appelante, société soeur de l'Appelante
s'oppose à la saisie au motif que les camions en question lui appartiennent et
que la Mise en cause en avait possession en raison d'une entente de location à
long terme. Cette opposition est rejetée en première instance. Celui-ci en vient
à la conclusion que l'absence de publication de cette entente de location fait
en sorte qu'elle est inopposable à l'Intimé et que ce dernier pouvait donc agir
comme si les camions appartenaient à la Mise en cause.
La Cour d'appel, dans un jugement unanime
rédigé par l'Honorable juge Pierre J. Dalphond, renverse cette décision. Ce
faisant, elle souligne qu'à moins de disposition expresse de loi la publication
des droits n'a aucun effet sur le droit de propriété des biens:
[13] La publication du bail ne fait pas naître les droits du locateur ni son titre de propriété (Lefebvre (Syndic de); Tremblay (Syndic de), [2004] 3 R.C.S. 326 ). Elle ne fait que rendre le bail opposable aux tiers. En d'autres mots, la publicité du bail signale aux tiers le défaut de titre de propriété du locataire ou la précarité de sa détention du bien.
[14] L'absence de publication sous l'art. 1852 C.c.Q. ne fait donc que confirmer au tiers de bonne foi qui transige avec une personne qui semble avoir la pleine possession d'un bien mobilier qu'il peut présumer que cette dernière en a la propriété (art. 921 C.c.Q.), même si en réalité elle n'en est que le détenteur (le juge Beauregard, par. 74 dans Lefebvre (syndic de), [2003] R.J.Q. 819 (C.A.)).
[15] L'objectif du législateur est la protection des transactions avec des tiers de bonne foi, tel un acheteur du bien (qui remet le prix au détenteur) ou le bénéficiaire d'une hypothèque sur le bien consenti par le détenteur du bien (qui a bénéficié d'un prêt ou d'un autre avantage). Bref, la publication facilite le commerce des biens meubles (Lefebvre (Syndic de) & Tremblay (Syndic de), par. 22, 23 et 28). (Voir aussi l'obligation de publication de la vente à tempérament, art. 1745, et de la vente avec faculté de rachat, art. 1750, pour les biens acquis pour le service ou l'exploitation d'une entreprise).
[16] Le défaut de publication ne permet cependant pas au locataire de refuser de remettre le bien loué au locateur à la fin du bail (art. 953 et 1890 C.c.Q.) sous prétexte que son titre de propriété est inexistant parce non publié. Ainsi dans l'arrêt Lefebvre (Syndic de); Tremblay (Syndic de), la Cour suprême reconnaît au locateur le droit de revendiquer du syndic le bien loué dont il a pris possession à la suite de la faillite du locataire, car le syndic est la continuation de ce dernier et non un tiers face au locateur. Le juge LeBel écrit pour la Cour :
[...]
[17] Au même effet, voir les commentaires du juge Morin et du soussigné dans notre arrêt Transport International Pool inc. c. St-Georges, Hébert inc., 2005 QCCA 28.
[18] En l'espèce, il ne fait pas de doute que le saisissant est un tiers face à l'opposante.
[19] Par contre, il est aussi indéniable qu'il n'a acquis aucun intérêt dans le bien loué dans le cadre d'une transaction avec la locataire, la saisie. En effet, une saisie avant jugement ne confère aucun droit dans le bien saisi au saisissant, ni ne dépossède la saisie ou l'opposante. La saisie avant jugement est uniquement une procédure visant à mettre, temporairement, des biens sous la main de la justice (art. 737 C.p.c.), afin d'en éviter la disparition et mettre ainsi en péril le recouvrement de la créance du saisissant (art. 733 C.p.c.).
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/xmsaKO[20] Il s'ensuit, puisque le juge a reconnu le titre de propriété de l'opposante à l'égard des deux camions et n'a nullement soulevé le voile corporatif ou conclu que l’opposante n’était qu’un prête-nom pour la saisie, qu'il devait accueillir son opposition afin de les soustraire à la saisie.
Référence neutre: [2012] ABD 21
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