lundi 30 janvier 2012

La servitude judiciaire n'existe pas, mais les tribunaux peuvent fixer l'assiette d'une servitude conventionnelle ou légale

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La servitude est soit conventionnelle ou légale, mais elle ne peut être de création judiciaire. Par ailleurs, il importe de distinguer la création d'une servitude et la détermination de son assiette. À ce deuxième chapitre, les tribunaux ont toute la latitude nécessaire pour assurer le bon exercice d'une servitude comme le souligne la Cour d'appel dans Émond c. Gauthier (2012 QCCA 88).

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui accueille le recours introductif d'instance des Intimés, déclare enclavés des lots dont ils sont propriétaires, leur accorde un droit de passage sur la propriété de l'Appelante pour rejoindre la voie publique, ordonne à l'Appelante de permettre leur libre circulation, de leur payer certains dommages compensatoires et punitifs et de leur rembourser des frais d'expertises.

Le débat en appel se concentre sur la question de savoir si les Intimés sont véritablement enclavés ou s'ils bénéficient d'une servitude de passage conventionnelle qui leur permet d'avoir accès à leur fond. Si c'est le cas, la Cour n'aurait pas du, selon l'Appelante, fixer un droit de passage sur son terrain.

La Cour confirme la conclusion du juge de première instance quant à la situation d'enclave et elle rappelle que le juge de première instance avait tous les pouvoirs nécessaires pour fixer l'assiette de la servitude légale:
[20] Le juge a conclu à l'existence d'une servitude établie par l'effet de la loi. La servitude judiciaire n'existe pas dans notre droit. Ayant constaté l'enclave, il a déclaré que l'appelante devait fournir le passage nécessaire à l'utilisation des fonds des intimés et il a déterminé l'assiette du droit de passage. Cette détermination est sans reproche. 
[21] En cas de litige, il est, en effet, possible de fixer judiciairement l'assiette en interprétant la volonté des parties, à la lumière de leur comportement et de la situation des lieux :
[…] le tribunal doit chercher l'intention des parties dans l'acte constitutif en favorisant une interprétation globale du contrat et en accord avec la configuration des lieux. En cas de litige, la Cour d'appel est venue confirmer depuis longtemps la possibilité de fixer judiciairement l'assiette d'une servitude conventionnelle, en interprétant la volonté des parties. À cette occasion, le tribunal peut tenir compte de la finalité de la servitude, de la conduite des parties, de l'exercice constant de la servitude à un endroit précis et de la tolérance du propriétaire du fonds servant. Le même principe s'applique à la situation d'un droit de passage pour fonds enclavé dont l'emplacement de l'assiette est désigné de manière imprécise ou dont l'assiette a été fixée par prescription. 
[22] Le juge a, à bon droit, confirmé le droit au passage à l'endroit où il a été utilisé pendant plus de 40 ans par les intimés.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/wnjNIj

Référence neutre: [2012] ABD 34

Autre décision citées dans le présent billet:

1. Lanart Sales Inc. c. Macnaughton, J.E. 2004-387 (C.A.).

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