mercredi 18 janvier 2012

La personne morale à laquelle on a attribué le statut de représentant dans le cadre d'un recours collectif ne peut s'opposer à la transaction conclue entre les parties

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'on traite cet après-midi d'une situation particulièrement étrange qui est survenue dans le cadre de l'approbation d'une transaction pour régler un recours collectif. En effet, nonobstant sa signature de la transaction, la personne morale à laquelle on a attribué le statut de représentant s'oppose à l'approbation de celle-ci. Il s'agit de l'affaire Union des consommateurs c. Pfizer Inc. (2012 QCCS 16).
 
Dans cette affaire, l'Honorable juge André Prévost est saisi d'une requête pour approbation d'une transaction. Fait très surprenant, la Demanderesse, qui a signé la transaction, s'oppose à son approbation, étant d'opinion que l'entente ne couvre pas toutes les causes d'action valables qu'elle faisait valoir au nom du groupe. Les membres désignés, pour leur part, supportent l'approbation de la transaction.

Le juge Prévost note d'abord que la signature par la Demanderesse lie tous les membres du groupe qui ne se sont pas exclus du recours:
[37] En somme, les conditions stipulées à l’article 1048 C.p.c. n’ont pour objet que de qualifier, comme représentant, une personne morale de droit privé, une société ou une association. Une fois que le statut lui est attribué par le tribunal, cette personne morale de droit privé, société ou association exerce son rôle de représentant des membres du groupe de manière autonome. Elle ne partage pas son statut avec la personne désignée.
[38] C’est donc en tant que représentant des membres du groupe que l’Union des consommateurs signe la transaction le 23 août 2011. Ce faisant, elle engage et lie tous les membres du groupe qui ne se sont pas exclus, sujet à ce que la transaction soit approuvée par le tribunal.
Il en vient à la conclusion que la Demanderesse ne peut pas simultanément signer la transaction, un contrat au sens du droit civil québécois, et demander à la Cour de ne pas l'approuver. Il ne saurait être question de signer un contrat sous protêt:
[40] Dans ces circonstances, peut-elle alors à ce stade remettre en question son consentement? Le Tribunal ne le croit pas.
[41] La transaction est un contrat. 
[42] L’Union des consommateurs ne remet d’ailleurs pas en question la validité des conditions de la formation de la transaction le 23 août 2011.
[...]
[44] L’Union des consommateurs tente, en quelque sorte, «de sauver la chèvre et le chou». D’une part, en signant la transaction, elle évite de compromettre le résultat des négociations à l’échelle nationale et, à la limite, de porter l’odieux de l’échec du règlement. D’autre part, en adoptant la position énoncée dans sa requête, elle se conserve le privilège de soumettre au Tribunal les arguments qui, de toute évidence, ne semblent pas avoir été retenus dans le cadre des négociations et qui sont liés au caractère dissuasif du recours.
[45] À l’audition, elle se retrouve donc en porte-à-faux entre l’approbation de la transaction et son refus. Sa situation s’apparente au conflit d’intérêts.
[46] Ce procédé apparaît à tout le moins douteux et devrait certainement être évité.
[47] Constatant la position dans laquelle elle se retrouvait, il aurait été préférable que l’Union des consommateurs se retire du dossier avant que la transaction ne soit signée et qu’elle se laisse substituer par les deux membres désignés, comme elle le propose d’ailleurs dans les conclusions de sa requête advenant l’approbation de la transaction.
[48] En conclusion, l’Union des consommateurs a librement signé la transaction. Elle est donc liée par les termes et conditions qu’elle comporte et elle ne peut maintenant la contester au stade de son approbation.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/zpKzwa

Référence neutre: [2012] ABD 24

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