mercredi 28 décembre 2011

La radiation d'une préinscription par voie de requête interlocutoire ne peut avoir lieu que dans les cas les plus clairs

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La préinscription au registre foncier est une imposition importante sur le propriétaire d'un immeuble. Il n'est donc pas surprenant que ce dernier tente par tous les moyens de radier celle-ci le plus rapidement possible. Reste que la radiation au stade interlocutoire ne devrait avoir lieu que dans les cas les plus clairs puisque sa radiation peut compromettre la sauvegarde des droits de la partie demanderesse. C'est ce que réitère l'Honorable juge Nicole-M. Gibeau dans 9230-5580 Québec Inc. c. Groupe Guy Samson Inc. (2011 QCCS 6590).


Dans cette affaire, la Défenderesse demande, par voie de requête interlocutoire, la radiation des préinscriptions d'une action en passation de titre, en dommages et intérêts et en injonction permanente sur les lots certains lots du cadastre du Québec, publiées les 7 janvier et 18 juillet 2001 par les Demandeurs. Elle fait valoir qu'elle est propriétaire des lots en question et qu'il n'existe aucun lien contractuel entre elle et les Demandeurs.

La juge Gibeau souligne qu'il faut être très prudent à ce stade des procédures et que la radiation ne devrait être prononcée que dans les cas clairs et sans équivoque:
[11] Le recours en vertu de l'article 804 du Code de procédure civile fondé sur l'article 3063 C.c.Q. est exceptionnel et déroge au droit commun. Il est par ailleurs soumis à une interprétation restrictive.
[12] Ce dernier n'est ouvert que dans les cas où à la face même du dossier il apparaît qu'il y a eu une illégalité ou une irrégularité de l'inscription.
[13] Les auteurs Denis Ferland et Benoît Emery écrivent à ce sujet :
Si la preuve prima facie de la nullité intrinsèque d'un titre peut être faite, sans qu'il subsiste un doute sur ce point particulier, une demande en radiation d'inscription est appropriée pour obtenir la sanction de son droit. Il est nécessaire de démontrer de façon péremptoire la nullité du titre puisque l'accessoire, l'inscription du droit que celui-ci constate, suit le principal.
[14] Or, dans la présente affaire, le juge du mérite devra se prononcer sur la validité des réclamations des demandeurs et dont l'issue est susceptible d'affecter un droit réel sur les lots 68 et 71.
[15] En l'espèce, la demande de radiation n'est qu'un accessoire des conclusions recherchées dans la requête introductive d'instance réamendée.
[16] La Cour d'appel dans l'arrêt Aéroterm de Montréal inc. c. Banque Royale du Canada établit les principes en matière de préinscription :
La préinscription prévue au Code civil est de droit nouveau. Il s'agit d'une mesure facultative, visant à «sauvegarder des droits qui seraient en péril s'ils demeuraient inconnus»; provisoire, parce que sujette à être remplacée par une «inscription définitive correspondante» [...] [rétroagissant], à l'égard des tiers, au moment de l'inscription de la [préinscription]»; et, conservatoire, parce que «[emportant] indirectement une restriction au droit de disposer».
Aux termes de l'article 2966, la demande en justice «qui concerne un droit réel soumis ou admis à l'inscription sur le registre foncier» peut faire l'objet d'une préinscription. Ainsi, l'acte de vente, transférant la propriété d'un immeuble du vendeur à l'acheteur, est soumis à la publicité puisque constitutif de droit réel; il en est de même du jugement découlant de l'action en passation de titre puisqu'il tient lieu du titre de propriété (article 1712 C.c.Q.). L'action en passation de titre concerne donc un droit réel soumis à l'inscription sur le registre foncier et peut, en conséquence, faire l'objet d'une préinscription.
[17] Par ailleurs, lors d'une requête en radiation de préinscription, le Tribunal n'a pas à se prononcer sur le fond du litige ou à apprécier les chances de succès du recours tel qu'intenté :« l'exercice consiste seulement à dire si tel qu'allégués, les faits de la requête introductive d'instance peuvent donner ouverture aux conclusions recherchées. »
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/tstygN

Référence neutre: [2011] ABD 415

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Aéroterm de Montréal inc. c. Banque Royale du Canada, J.E. 98-836 (C.A.).

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