jeudi 10 novembre 2011

Une plainte disciplinaire peut procéder avant, en même temps ou même sans une plainte pénale

Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'existence (ou pas) d'une plainte pénale portant sur les mêmes faits qu'une plainte disciplinaire pendante a fait couler beaucoup d'encre en droit québécois. Comme l'indique l'Honorable juge Eva Petras dans Cardinal c. Tribunal des professions (2011 QCCS 5778), la jurisprudence québécoise semble maintenant constante à l'effet que l'existence (ou pas) d'une plainte pénale n'est pas un facteur qui empêche une plainte disciplinaire de suivre son cours.


Dans cette affaire, le Requérant, pharmacien de profession, demande la révision judiciaire d'un jugement prononcé par le Tribunal des professions le 25 novembre 2010, rejetant l'appel d'une décision du Conseil de discipline de l'Ordre des pharmaciens du Québec prononcée le 21 avril 2010. La question centrale en est une qui touche la compétence du Conseil de discipline pour statuer sur une plainte disciplinaire déposée contre le Requérant.

Dans le cadre de ce débat, le Requérant fait valoir que le Conseil de discipline n'a pas de compétence lorsque la plainte disciplinaire, telle que libellée, réfère à la commission d'une infraction pénale ou criminelle, soit à une norme « externe » aux dispositions du corpus disciplinaire.

La juge Petras, dans le cadre de son analyse, doit, entre autres questions, décider si l'existence de procédures pénales est un facteur pertinent quant à la possibilité pour le processus disciplinaire d'aller de l'avant. Elle en vient à la conclusion que rien n'empêche la plainte disciplinaire déposée en l'instance de suivre son cours:
[67] Une jurisprudence abondante établit qu'une plainte disciplinaire peut procéder avant, en même temps, ou même sans une plainte pénale. 
[68] Dans Feldman c. Comité de discipline (Barreau du Québec), le Tribunal des professions rappelle qu'il est effectivement conciliable qu'un professionnel soit poursuivi, en même temps, au criminel ou au civil et en discipline pour des infractions disciplinaires reposant sur les mêmes faits puisque l'objet et la portée des jugements à être rendus sont fort différents. Au paragraphe 24 du jugement, le Tribunal des professions souligne :
[24] […] Ainsi, qu'il soit poursuivi au criminel ou au civil et en discipline, le requérant peut en même temps être cité à comparaître devant ses pairs pour des infractions disciplinaires reposant sur les mêmes faits, mais il n'y a pas lieu pour cette raison de retarder l'instance disciplinaire dont les fins sont fort différentes. Comme l'affirme le juge Tellier dans la cause citée (17) par le Comité, il reviendra au Comité de prendre les moyens jugés appropriés et opportuns pour assurer aux parties qu'il disposera de la plainte dans le respect de leurs droits respectifs. Les articles 142 et 143 du Code, entre autres, y pourvoient d'ailleurs.
[69] Il est clair que le Syndic de l'Ordre des pharmaciens du Québec peut porter plainte pour un acte dérogatoire sans attendre que le professionnel ait été reconnu coupable d'une infraction pénale ou criminelle au préalable. La plainte disciplinaire peut être portée même lorsqu'il n'y a aucune plainte pénale.  
[70] Dans la présente cause, il n'y a aucune plainte pénale ou criminelle contre Cardinal pour les mêmes faits, et aucune plainte ni condamnation pénale ou criminelle ne sont requises pour procéder avec la plainte disciplinaire devant le Conseil de discipline.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/vHkYTt

Référence neutre: [2011] ABD 363

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