par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
La Cour d'appel vient de rendre un jugement très intéressant en matière de jugement déclaratoire dans l'affaire Coastal Contacts Inc. c. Ordre des optométristes du Québec (2011 QCCA 1820). En effet, elle vient clarifier (espérons-le une fois pour toutes) et à certains égards corriger la jurisprudence qui veut que la requête pour jugement déclaratoire ne soit pas appropriée lorsqu'elle ne mettrait pas fin au débat.
Dans cette affaire, l'Intimée cherche à faire déclarer contraires à la Loi sur l'optométrie et au Code des professions les activités des Appelantes en lien avec la vente de lentilles ophtalmiques aux résidents du Québec par internet. Les Appelantes ont présenté une requête en irrecevabilité à l'encontre de ces procédures. Un des motifs invoqués est le fait que le jugement déclaratoire ne règlerait pas le litige, des procédures d'injonction ou pénales étant subséquemment nécessaires.
Dans cette affaire, l'Intimée cherche à faire déclarer contraires à la Loi sur l'optométrie et au Code des professions les activités des Appelantes en lien avec la vente de lentilles ophtalmiques aux résidents du Québec par internet. Les Appelantes ont présenté une requête en irrecevabilité à l'encontre de ces procédures. Un des motifs invoqués est le fait que le jugement déclaratoire ne règlerait pas le litige, des procédures d'injonction ou pénales étant subséquemment nécessaires.
La Cour d'appel, sous la plume de l'Honorable juge Jacques Chamberland, confirme le jugement de première instance et profite de l'occasion pour remettre les pendules à l'heure. Ce qui compte c'est que le jugement déclaratoire mette fin à une controverse et non pas qu'il évite l'institution de procédures futures:
[33] Depuis, les affaires Lenscrafters et Ordre des comptables agréés du Québec ont souvent été citées pour soutenir les deux propositions suivantes : d'une part, que le recours en jugement déclaratoire n'est pas le recours approprié pour empêcher l'exercice illégal d'une profession par des personnes qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel; d'autre part, que la possibilité de procédures futures constitue une fin de non-recevoir à la requête en jugement déclaratoire.
[34] Le temps est venu, je crois, de dire que ces deux propositions sont trop absolues en ce que, appliquées sans discernement, elles auraient pour conséquence de priver le recours en jugement déclaratoire d'une grande partie de sa pertinence et de son efficacité comme moyen de justice préventive. Il faut, selon moi, donner au recours de l'article 453 C.p.c. une ouverture plus large que celle tracée par ces deux propositions.
[35] En effet, il est rare que l'on puisse affirmer que le jugement déclaratoire marquera définitivement la fin des procédures judiciaires entre les parties; il sera souvent suivi d'un recours en dommages-intérêts ou en injonction et, parfois, de procédures pénales.
[36] Mais le critère de l'effet utile du jugement énoncé à l'article 462 C.p.c. n'est pas celui de savoir si d'autres procédures judiciaires seront nécessaires, mais plutôt celui de déterminer si le jugement mettra fin à l'incertitude (ou à la controverse) entourant la question que le tribunal est appelé à trancher. Le fait d'envisager la nécessité d'autres procédures judiciaires ne doit pas, selon moi, constituer un obstacle dirimant à l'exercice du recours en jugement déclaratoire. Il s'agit tout au plus d'un facteur à prendre en compte dans l'exercice de la discrétion judiciaire inhérente à la requête en jugement déclaratoire. Il faut éviter de « confondre le caractère non exécutoire du jugement déclaratoire et l'aspect d'utilité qu'il peut revêtir ».
[37] Ici, la question à trancher – celle de l'assujettissement des activités des appelantes aux lois québécoises régissant l'optométrie – s'inscrit dans un contexte bien précis; il ne s'agit pas d'une question théorique ou abstraite. Il s'agit d'une question importante et d'intérêt public que la Cour supérieure est compétente pour trancher. Dans ces circonstances, la juge de première instance a raison de dire que le jugement déclaratoire mettra fin à la controverse entourant la question, et ce, même si l'institution d'autres procédures judiciaires (civiles ou pénales) s'avère nécessaire, selon l'attitude qu'adopteront les appelantes advenant un jugement allant dans le sens des prétentions de l'intimé.
[38] En ce sens, le jugement déclaratoire sera certes utile.
[39] L'intimé a raison de dire qu'il faut distinguer le fait de mettre fin aux activités des appelantes – ce que le jugement déclaratoire ne pourra accomplir – du fait de mettre fin à la controverse opposant les parties concernant le sens à donner au mot « vente » et l'assujettissement des activités des appelantes aux lois professionnelles du Québec. Le jugement déclaratoire, bien qu'il ne puisse mener à la cessation forcée des activités des appelantes, aura tout de même force de chose jugée entre les parties au dossier et l'on doit présumer qu'elles s'y plieront de plein gré.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/oepaIN
Référence neutre: [2011] ABD 321
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