mercredi 13 juillet 2011

L'application de la théorie de l'alter ego nécessite la preuve de circonstances exceptionnelles

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

La théorie de l'alter ego a été développée par les tribunaux afin d'éviter que certains n'utilisent la personnalité juridique distincte de chaque personne morale pour se soustraire de lors obligations. Ceci étant dit, elle ne doit pas être appliquée à la légère et doit répondre à des circonstances exceptionnelles comme l'indique l'affaire Métro Richelieu inc. c. Nadeau (2011 QCCS 3425).


En 2009, le syndicat mis en cause s'adresse à un arbitre de griefs, lui demandant d’interpréter la signification de l'expression « nouveau marchand » que l'on retrouve dans une lettre d'entente. L'arbitre décide, en faisant appel à la théorie de l’alter ego, qu’une personne morale nouvellement formée, mais détenue par un groupe de personnes détenant d’autres supermarchés d’alimentation de la même bannière, n’est pas un « nouveau marchand ». Insatisfait, l'employeur demande la révision judiciaire de cette décision. L'Honorable juge Pierre Nollet indique d'abord que la théorie de l'alter ego ne peut être mise en application à moins d'une source législative spécifique l'autorisant ou d'une situation factuelle qui satisfait les critères développés par la jurisprudence :
[55] L’utilisation de ce concept doit être autorisée par une source statutaire ou par la jurisprudence. L'arbitre ne cite pas la disposition législative dont il s'autorise pour appliquer la notion d'alter ego ici.  
[56] Dans son précis intitulé La Société par actions au Québec, l'auteur Paul Martel donne plusieurs exemples de l’utilisation de la notion de l’alter ego :
La notion de l’alter ego a également été utilisée en matière de responsabilité civile et de fiscalité, particulièrement en droit anglo-canadien.(références omises) Elle sert à identifier la société à son actionnaire, au point notamment de créer un lien de droit entre ce dernier et les tiers transigeant avec la société, ou encore à traiter deux sociétés comme une seule entité, de manière à imposer à l’une d’elles les obligations de l’autre. 
Or, les circonstances présentes en l'instance ne permettaient pas à l'arbitre d'appliquer la théorie de l'alter ego:
[59] La théorie de l’alter ego ne permet pas d’attribuer aux marchands une obligation qui relève de Metro Richelieu à moins de démontrer qu'il y a entre les marchands et Metro Richelieu la rencontre des critères fixés par la jurisprudence comme, par exemple, le contrôle de l'un par l'autre ou l'intention de frauder. 
[60] Il n'y a pas de contrôle commun entre les marchands et Metro Richelieu. L’arbitre ne précise pas comment alors, l’obligation de Metro Richelieu peut passer au marchand par le biais de la théorie de l’alter ego.
[61] Même entre les marchands, la preuve démontre qu'ils sont détenus à 50% par deux entités. L'arbitre n'explique pas ce qui l'autorise à conclure au contrôle. Existe-t-il une convention unanime d'actionnaires, la décision ne le dit pas.
[...] 
[63] L’arbitre n’a pas indiqué qu’il y ait eu fraude par les marchands, au contraire. 
[64] Voilà autant d'éléments qui auraient dû guider l'arbitre dans son interprétation des termes NOUVEAU MARCHAND. 
[65] L'importation de la théorie de l'alter egopour l'appliquer au marchand sans expliquer ce qui l'y autorise dans la preuve est une erreur qui affecte la raisonnabilité de la décision. La conclusion ne peut se justifier.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/rhEeVd

Référence neutre: [2011] ABD 231

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