vendredi 10 juin 2011

On ne peut, par voie de jugement déclaratoire, demander au tribunal de changer les modalités d'une transaction qui a été homologuée par la Cour

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Les pouvoirs d'une cour supérieure au sens de la constitution canadienne sont très étendus, mais l'on réitère souvent que ceux-ci n'incluent pas le pouvoir de changer les termes d'une transaction intervenue entre deux parties. C'est d'autant plus vrai lorsque cette transaction a été homologuée par la Cour supérieure. L'affaire Coopérative d'habitation Village Cloverdale c. Société canadienne d'hypothèques et de logement (2011 QCCS 2783) illustre ce propos.


Dans cette affaire, la Requérante demande à la Cour supérieure, par voie de jugement déclaratoire, de venir amender les termes d'une transaction ayant mis fin à un recours collectif. Ladite transaction a été homologuée par la Cour supérieure en mars 1990.

Saisie de la question, l'Honorable juge Ginette Piché ne laisse aucun doute dans l'esprit du lecteur: impossible pour la Cour d'amender les termes de la transaction intervenue et homologuée:
[32] La requérante est d'accord pour dire qu'il y a eu chose jugée, mais elle plaide que le Tribunal pourrait modifier les modalités de l'entente. Le Tribunal n'est pas d'accord. Les modalités font partie du jugement. Le jugement qui a approuvé une transaction, comme dans le cas présent, est un jugement final non susceptible d'appel par les parties ou les membres.
[33] Ce qui est demandé au Tribunal ici, c'est de modifier les modalités du programme prévu et sur lequel les parties se sont entendues. On désire que les termes de P-4 soient modifiés « dans le meilleur intérêt des membres ». Le Tribunal estime que même dans le cadre d'un recours collectif, lorsqu'il y a eu règlement final et quittance, on ne peut intervenir, le jugement est final.
[34] Ce qu'on veut faire ici, c'est donc de modifier les modalités d'une entente, mais il s'agit d'une entente dans laquelle la requérante a donné une quittance complète et finale à la SCHL. On ne peut y toucher. Une transaction est un contrat entre les parties au sens des articles 2631 et suivants du C.c.Q. Et, l'article 2633 décrète qu'une transaction à l'autorité de la chose jugée entre les parties. Elle met fin au différend entre les parties.
La juge Piché ajoute que le fait que le recours sous-jacent soit un recours collectif ne change en rien l'analyse, puisque ce véhicule procédural ne modifie pas les règles de fond applicables:
[43] Mais, demandons-nous si le fait d'être en matière de recours collectif change quelque chose pour le juge.
[44] Le professeur Pierre-Claude Lafond, dans son volume sur Le recours collectif, Le rôle du juge et sa conception de la Justice, explique ceci :
« le législateur a fait du magistrat du recours collectif le maître d'œuvre des mesures de protection des membres du groupe. L'image d'arbitre impartial et passif, soumis à la conduite de la procédure par les parties a cédé le pas à celle d'un gestionnaire actif d'instance. »
[45] Le professeur Lafond rappelle que la question des pouvoirs du juge à l'étape du jugement ou du règlement final montre que dans le recours collectif, le rôle du juge se poursuit jusqu'à l'exécution du jugement final contrairement à la procédure d'action individuelle où le jugement met fin à l'intervention du Tribunal.
[46] En matière de recours collectif, le professeur Lafond met toutefois en garde le fait que si le juge est le maître d'œuvre des mesures de protection des membres et peut prescrire des mesures pour simplifier la preuve, le Tribunal ne peut aller jusqu'à modifier la substance des règles qui gouvernent la preuve en droit civil.
[47] C'est la Cour suprême dans l'arrêt du Curateur public c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, qui l'a bien rappelé. L'article 2848 du C.c.Q. n'a pas pour objet de modifier les règles de preuve en matière de recours collectif.
[…] Le recours collectif ne modifie pas le droit substantiel et les règles de preuve font partie intégrante de ce droit. »
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/m3on36

Référence neutre: [2011] ABD 197

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