mercredi 1 juin 2011

La mauvaise foi de la partie adverse ne constitue pas, à elle seule, une impossibilité d'agir

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

L'impossibilité d'agir est, généralement parlant, une question factuelle, laquelle relève de l'appréciation du juge saisie du mérite d'une affaire. Cependant, il importe d'alléguer ladite impossibilité et celle-ci ne peut résulter de la seule mauvaise foi de la partie adverse. Ce sont les enseignements qui découlent de la décision récente de la Cour d'appel dans Commission de la santé et la sécurité du travail c. Transforce inc. (2011 QCCA 987).


Les faits de l'affaire sont relativement simples. L'appelante a perçu sans droit des intimées, entreprises de juridiction fédérale, des cotisations de 1981 à 1988.  Entretemps, le 6 novembre 1986, certaines entreprises avaient conclu une entente avec l'appelante par laquelle cette dernière renonçait au bénéfice du temps écoulé de façon à ce que la « prescription recommence à courir pour le même temps » à compter de la signature du document. L'entente a « le même effet que le dépôt d'une procédure judiciaire […] à l'égard de la prescription et du paiement des intérêts ». Les intimées n'étaient toutefois pas parties à l'entente.

Le 1er février 1990, l'appelante rembourse aux intimées les sommes versées en trop, ainsi qu'un intérêt de 5%. La lettre d'accompagnement, sous la signature du président de l'appelante d’alors, mentionne le montant remboursé, sans autres précisions. Insatisfaites du taux d'intérêt payé par l'appelante au moment du remboursement des sommes versées en trop, plusieurs autres entreprises, mais pas les intimées, avaient intenté des recours contre l'appelante. Le 13 août 2007, la Cour leur donne raison et condamne l'appelante à leur payer l'intérêt au taux légal, plus l'indemnité additionnelle depuis le paiement de chaque cotisation.

Les intimées soutiennent qu'elles n'ont appris qu'au moment du prononcé de l’arrêt de la Cour, le 13 août 2007, que le taux d'intérêt qui leur avait été versé était seulement de 5 %. Le 12 août 2010, elles intentent des recours contre l'appelante pour obtenir la capitalisation des intérêts et une condamnation à des dommages-intérêts. Cette dernière fait valoir que ce recours est prescrit.

La Cour d'appel renverse le jugement de première instance qui avait rejeté la requête en irrecevabilité. Selon elle, les intimées avaient connaissance des faits générateurs de leur droit et la seule allégation de mauvaise foi de l'appelante n'équivaut pas à impossibilité d'agir:
[13] Or, les intimées avaient connaissance des faits générateurs de leurs droits, soit les cotisations exigées sans droit par l'appelante entre 1981 et 1988. Plus encore, en recevant le remboursement transmis par l'appelante le 1er février 1990, les intimées pouvaient vérifier, à partir de leurs propres registres, à quoi correspondait la somme remboursée par l’appelante. En somme, elles n'avaient qu'à consulter leurs propres dossiers pour connaître le montant des cotisations qu'elles avaient versées entre 1981 et 1988 et identifier le taux d'intérêt qui leur avait été consenti par l'appelante.
[14] Même en considérant que l'appelante ait été de mauvaise foi, ce qui ne s'infère pas des seules allégations de la requête introductive d'instance des intimées, ces dernières n'étaient pas, de toute manière, dans l'impossibilité d'agir, encore moins dans l'impossibilité absolue d'agir.
[15] En tenant les allégations de la requête pour avérées, le recours est prescrit et la juge de première instance devait, en conséquence, accueillir la requête en irrecevabilité.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/jLNvhA

Référence neutre: [2011] ABD 184

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    La référence de l'arrêt devrait se lire 2011 QCCA 987, et non "QCCS"

    Au plaisir,

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