mercredi 1 juin 2011

L'obligation de sécurité d'un locateur ne va pas jusqu'à garantir contre le cambriolage

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

L'obligation pour un locateur de fournir la jouissance paisible des lieux comporte une composante de sécurité. Dans Riocan Holdings (Québec) Inc. c. 4381882 Canada Inc. (2011 QCCS 2602), la Cour supérieure analyse l'étendue de cette obligation et en vient à la conclusion que l'obligation de sécurité du locateur ne va pas jusqu'à garantir contre le cambriolage.


Dans cette affaire, la Demanderesse réclame aux Défendeurs des dommages résultant de la fin prématurée du bail intervenu entre elles. Ces derniers en contestent le bien-fondé de la demande et, par demande reconventionnelle, une des Défenderesses requiert que la Demanderesse lui verse une somme de 253 428,28 $ pour le préjudice qu'elle allègue avoir subi en raison de son défaut de lui procurer la jouissance paisible des lieux loués. En effet, la Défenderesse a fait l'objet de trois vols par effraction.

L'Honorable juge Nicole-M. Gibeau note d'abord que pour conclure à responsabilité du locateur, il faut démontrer une faute particulière et que le simple fait d'avoir été l'objet de trois vols ne suffit pas à remplir ce fardeau:
[28] Jusqu'où va l'obligation de sécurité du locateur en cas de vol ?
[29] Le régime juridique qui s'applique en l'espèce se retrouve à l'article 1859 du Code civil du Québec qui se lit ainsi :
1859. Le locateur n'est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu'un tiers apporte à la jouissance du bien; il peut l'être lorsque le tiers est aussi locataire de ce bien ou est une personne à laquelle le locataire permet l'usage ou l'accès à celui-ci.
Toutefois, si la jouissance du bien en est diminuée, le locataire conserve ses autres recours contre le locateur.
[30] Hormis une preuve démontrant que le locateur a commis une faute donnant lieu à un fait dommageable, et ce, en vertu de son obligation de sécurité ou de son obligation générale de procurer la jouissance paisible des lieux loués, ce dernier est en principe exclu de réparer le préjudice subi par le locataire à l'occasion d'un vol.
À la lumière de la trame factuelle, la juge Gibeau en vient à la conclusion que le locateur n'a pas manqué à son obligation de sécurité:
[31] Or, les faits mis en preuve ne montrent pas que Riocan a agi à titre de complice ou fait preuve d'une négligence grossière susceptible d'être assimilée à une faute lourde.
[32] L'obligation de sécurité de Riocan ne va pas jusqu'à garantir à Centre qu'elle sera à l'abri des cambrioleurs en toute occasion. La mise en place d'une patrouille de surveillance chaque nuit dépasse l'obligation raisonnable de procurer la jouissance des lieux loués qu'un locateur a le devoir d'assurer à son locataire.
[33] La jurisprudence illustre bien la preuve requise pour engager la responsabilité d'un locateur en cas de vol :
Afin d'engager la responsabilité du locateur, les locataires doivent démontrer que l'absence de serrure à la porte d'entrée principale constitue un manquement à une obligation du locateur et qu'il s'agit de la principale cause du dommage subi par eux. Le tribunal convient qu'un locateur doit assurer ses locataires contre un accès trop facile aux lieux loués et qu'à ce sujet il doit voir à ce que les portes et fenêtres soient munies de systèmes de fermeture adéquats. Par contre, cette obligation n'est pas une garantie contre toute introduction par des tiers. Dans le présent cas, la preuve démontre que, malgré l'installation d'une serrure à la porte principale et l'ajout d'une seconde serrure à la porte du logement, les malfaiteurs ont réussi à s'introduire de nouveau en juillet 1992. Ainsi, il appert que ce ne soit pas l'absence de serrure qui constitue la cause principale des introductions subies par les locataires. …Le locateur ne saurait donc être responsable des dommages subis par les locataires lors de ces vols.
[34] Pour ces raisons, le Tribunal estime que Riocan n'a pas manqué à son obligation d'assurer la jouissance paisible et la sécurité du local de Centre.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/iRPHA3

Référence neutre: [2011] ABD 183

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