mercredi 4 mai 2011

Les frais d'expert accordés à titre de dépens doivent être raisonnables eu égard à la valeur du litige

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Règle générale, la partie qui a gain de cause a droit au remboursement des frais d'expertise encourus dans le cadre du litige. Reste que le montant accordé à ce titre par la Cour se doit d'être raisonnable eu égard à la valeur et aux circonstances du litige, comme le l'indique l'Honorable juge William Fraiberg dans Ash c. Aubuchon (2011 QCCS 1942).


Dans cette affaire, les Demandeurs ont intenté une poursuite contre les Défendeurs afin d’obtenir que soit réduit de 80 000 $ le prix d’achat de 182 000 $ de leur maison à Brownsburg, Québec, pour vice caché. Alléguant que le Défendeur est vendeur professionnel parce qu’il est ingénieur, ils réclament en outre 25 000 $ en dommages-intérêts moraux pour les inconvénients et le stress qu’ils ont subis.

Le juge Fraiberg accueille l'action pour un montant d'environ 40 000$ et se penche ensuite sur la question des dépens. Les Demandeurs réclament des frais de plus de 21 000$. Le juge Fraiberg mentionne à cet égard que le montant accordé doit être raisonnable dans les circonstances:
[199] The costs should be reasonable in the circumstances. This means they must be proven, for services that were genuinely helpful to the Court and not disproportionate to the value, duration and complexity of the case.
[200] Dalphond J., then of the Superior Court, illustrated the application of these principles Gadoua c. Beaudoin:
Ce principe du coût raisonnable d’une expertise par rapport à la nature de l’affaire soumise au tribunal est fondamental car il en va, à la limite, de l’accessibilité à la justice. En effet, rien n’empêche la personne qui décide de produire un rapport d’engager l’expert le plus onéreux qui soit, de l’entourer d’une équipe tout aussi coûteuse et de se livrer à de fréquentes consultations, discussions de stratégie, préparations de témoignage... Elle ne peut cependant espérer, si elle a gain de cause, que le luxe dont elle a les moyens devienne un fardeau punitif pour la partie adverse. La parcimonie du Tarif en ce qui a trait aux honoraires payables aux avocats fait bien ressortir cette préoccupation du législateur ou à tout le moins, du gouvernement.
Ensuite, la finalité de l’expertise taxable est d’aider le tribunal, comme le rappelle M. le juge Robert dans l’arrêt Massinon en citant le Dictionnaire de droit québécois et canadien de Me Hubert Reid quant à la définition de l’expertise et la mission de l’expert. Il s’ensuit qu’une fois libéré par le tribunal, la mission de l’expert doit être considérée accomplie. S’il demeure dans la salle d’audience pour suivre la suite du procès ou conseiller, au besoin, l’avocat de son client, cela n’est plus l’affaire du tribunal ou de la partie adverse, si condamnée aux dépens.
En la présente instance, les notes d’honoraires totalisant 21 138,85 $ sont déraisonnables considérant la nature du problème soulevé devant le tribunal (une question d’abord d’interprétation du contrat de vente des actions et non de comptabilité), le peu de documents que l’expert de chacune des parties avait à consulter pour rendre son opinion comptable, la simplicité de ceux-ci, et la non-nécessité d’une équipe d’experts en comptabilité pour analyser la situation et conclure.
Plus particulièrement, relativement à la deuxième note d’honoraires, le tribunal considère que le dossier révèle la non-nécessité d’une longue préparation par un expert de la trempe de M. Iannitello pour témoigner sur son rapport ou commenter celui de l’expert comptable de la partie adverse.
En application de ce principe, le juge Fraiberg réduit le montant accordé au titre de remboursement des frais d'expert à un peu plus de 12 000$.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/koYU6F

Référence neutre: [2011] ABD 150

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Gadoua c. Beaudoin, J.E. 99-1724 (C.A.).

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