jeudi 14 avril 2011

Nul besoin de référer aux principes de common law en matière d'ingérence par un tiers dans une relation contractuelle

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Nous discutions récemment sur le Blogue de l'affaire Plani-Gestion (voir ici: http://bit.ly/PWV7FD) où la Cour traitait de la possible responsabilité d'un tiers en raison de son intervention dans une relation contractuelle. Nous attirons aujourd'hui votre attention sur l'affaire Zoom Média Inc. c. Rouge Resto Bar Inc. (Chapitre 66 inc.) (2011 QCCS 1731) où l'Honorable juge Marc-André Blanchard indique que nul besoin de faire référence aux principes de common law en la matière puisque le droit québécois est complet en la matière.


Estimant que la Défenderesse et son dirigeant, le Défendeur, un de ses anciens employés et dirigeants violent sciemment et systématiquement les contrats d'exclusivité qu'elle obtient de ses clients, la Demanderesse requiert la délivrance d'une ordonnance d'injonction permanente pour que ceux-ci cessent d'inciter ses clients à contrevenir à leurs obligations contractuelles, à retirer leurs produits d'affichage dans ces établissements et qu'ils s'abstiennent d'interférer dans leurs relations contractuelles.

Cette demande donne lieu à une discussion des principes qui découlent de l'affaire Trudel c. Clairol sur l'intervention fautive par un tiers dans une relation contractuelle. Le juge Blanchard commence donc par rappeler lesdits principes:
[32] L'arrêt phare en matière de respect des obligations contractuelles par des tiers, Trudel c. Clairol inc. of Canada, enseigne:
- Il existe une faute contre l'honnêteté de s'associer sciemment à la violation d'un contrat;
- Une personne a l'obligation de ne pas nuire à autrui en favorisant, même indirectement, la violation d'un engagement dont elle connaît l'existence et la teneur;
- Le droit civil sanctionne l'obligation morale de ne pas favoriser la violation d'un engagement validement assumé.
[33] La Cour d'appel du Québec rappelle et applique ces principes.
[34] La doctrine québécoise est limpide et unanime à cet égard.
Cet état clair du droit québécois en la matière amène le juge Blanchard à indiquer qu'il n'y existe point de besoin de référer aux principes de common law en la matière. Qui plus est, ceux-ci sont potentiellement différents des principes applicables en droit civil:
[35] Il importe de souligner que la reconnaissance de l'opposabilité des obligations contractuelles, en droit civil, apparaît en partie potentiellement différente de celle reconnue dans le concept de «Inducing breach of contract» de la common law. Ce dernier requiert la présence des éléments suivants:
- The existence of a valid and enforceable contract;
- Awareness by the Defendants of the existence of the contract;
- Direct persuasion or procurement or inducement applied by the Defendants to the contract-breaker, resulting in a breach of the contract;
- An intention by the Defendants to procure the breach of contract; and
- Damage suffered by the Plaintiff.
[36] Pour le Tribunal, c'est l'existence de l'élément de «direct persuasion or inducement» qui rend possiblement plus exigeante la preuve de ce «tort» en common law que ce que ne requiert la preuve de la faute en droit civil en ce qui a trait au concept qui s'y apparente le plus.
[37] À tout événement, la jurisprudence et la doctrine de common law, citées par Rouge et Poitras à l'appui de leur argumentation, apparaissent inutiles puisque le droit civil apporte une réponse complète au problème posé en l'instance. Il faut éviter de recourir à des outils d'interprétation extrinsèques lorsque seul le droit civil est en cause puisque notre système de droit permet de répondre entièrement à la question soulevée.
À la lumière de ces principes et de la trame factuelle applicable, le juge Blanchard en vient à la conclusion qu'une ordonnance d'injonction est appropriée en l'espèce puisque les Défendeurs favorisent la violation des ententes contractuelles de la Demanderesse.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/hYKUao

Référence neutre: [2011] ABD 125

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Trudel c. Clairol Inc. of Canada [1975] 2 R.C.S. 236, AZ-75111082 (C.S.C.).

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