jeudi 24 mars 2011

Le pouvoir de suspendre des procédures québécoises en présence de litispendance internationale demeure discrétionnaire

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Nous discutions récemment sur le blogue de litispendance internationale (voir ici: http://bit.ly/REgqJa) et du dicta de la Cour d'appel à l'effet que les procédures étrangères doivent avoir été déposées préalablement aux procédures québécoises pour pouvoir demander la suspension de ces dernières. Dans la même veine, nous attirons aujourd'hui votre attention à l'affaire Melley c. Toyota Canada Inc. (2011 QCCS 1229) où l'Honorable juge Paul Mayer rappelle que le pouvoir de suspendre demeure en tout temps discrétionnaire.


Dans cette affaire de recours collectif, l'étude légale qui représente les membres du groupe dépose sept recours collectifs quasi identiques dans sept provinces différentes contre les Intimées. Ces recours se fondent tous sur la même cause d'action. Le recours québécois couvre seulement les résidents de la province, alors que les six autres recours couvrent des groupes nationaux (incluant le Québec). Les Intimées demandent donc la suspension des procédures québécoises au motifs de la litispendance internationale.

Bien qu'il en vient à la conclusion qu'il y a la triple indentité nécessaire pour conclure à litispendance (objet, cause et parties), le juge Mayer refuse de suspendre le recours québécois. En effet, il souligne que ce pouvoir est discrétionnaire:
[29] Étant donné que nous en sommes venus à la conclusion qu'il y avait effectivement une situation de litispendance internationale, nous croyons que l'exception de litispendance internationale au sens de l'article 3137 C.c.Q. peut s'appliquer en l'espèce, permettant ainsi à une partie de demander que soient suspendues les procédures en attendant que l'autorité étrangère statue.
[30] Néanmoins, dans le cas où les critères de l'article 3137 C.c.Q. sont remplis, le Tribunal est-il obligé de suspendre les procédures en cours devant lui?
[31] À ce propos, la jurisprudence est claire. Dans le cadre de l'application de l'article 3137 C.c.Q., le Tribunal possède un pouvoir discrétionnaire lorsqu'il doit décider s'il suspend ou non le recours.
[32] D'ailleurs, ce pouvoir discrétionnaire est tellement étendu que le Tribunal peut décider de ne pas suspendre un recours malgré le fait qu'il arrive à la conclusion qu'il existe bel et bien une situation de litispendance internationale. À cet effet, la Cour supérieure reprend les propos de l'auteur Glenn H. Patrick dans l'une de ses décisions :

« Il faut souligner cependant le caractère discrétionnaire de l’exception de litispendance sur le plan international. Même en cas de litispendance, l’autorité québécoise peut permettre la poursuite de l’action au Québec si elle juge, par exemple, que le forum étranger est un forum non conveniens. »
[33] De plus, concernant le même article, le ministre de la Justice s'exprime ainsi :
« L'article 3137 C.c.Q. vise à laisser une certaine latitude aux autorités québécoises pour accueillir ou rejeter l'exception de litispendance, à la lumière du cas d'espèce qui lui est soumis. »
[34] Il est donc clair que non seulement le Tribunal n'est pas obligé de suspendre le recours malgré le fait qu'il existe une situation de litispendance internationale, mais qu'il doit également considérer chaque cas comme un cas d'espèce.
Ainsi, après analyse des circonstances en l'espèce, le juge Mayer décide que la suspension n'est pas souhaitable en l'instance.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/foiTVS

Référence neutre: [2011] ABD 100

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