mardi 29 mars 2011

Le fait qu'un contrat de service est stipulé pour une durée déterminée ne fait pas présumer la volonté du client de renoncer à son droit de résilitation unilatérale

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Le droit, prévu à l'article 2125 C.c.Q., pour le client de résilier unilatéralement le contrat de services est un outil puissant. Or, même si la jurisprudence québécoise accepte que le client puisse renoncer à ce droit, même implicitement, elle exige que son intention à cet effet soit manifeste. C'est dans cette veine que les tribunaux nous enseignent que le fait d'avoir un contrat à durée indéterminée ne démontre pas une telle intention comme l'indique l'affaire Express AGD Verchères inc. c. Équipement militaire Mil-quip inc. (2011 QCCQ 2256).


La Demanderesse, une entreprise de camionnage, réclame de la Défenderesse la somme de 16 039,54$ aux termes de la clause pénale contenue au contrat de services de transport inter-usines intervenu entre les parties le le 16 juin 2006. La Défenderesse nie devoir ce montant, alléguant que le contrat a pris fin le 8 mai 2008.

Une des questions que doit donc trancher l'Honorable juge Suzanne Vadboncoeur est de savoir si la Défenderesse a bel et bien met fin au contrat, i.e. si elle avait conservé son droit d'y mettre fin unilatéralement. En effet, la Demanderesse faisait valoir que le fait de stipuler le contrat pour une durée déterminée constituait une renonciation implicite au droit de la Défenderesse de résilier unilatéralement celui-ci. Aux yeux de la juge Vadboncoeur, il n'en est rien:

[37] Au lieu de cela, c'est MIL-QUIP qui l'a résilié, non par suite d'un défaut de la part de A.G.D. mais par suite de sa propre incapacité de continuer à payer le service de transport fourni par A.G.D. Elle a résilié le contrat de plein droit conformément à l'article 2125 C.c.Q.
[38] La demanderesse avance dans son argumentation, pour justifier l'application de la clause pénale, qu'il s'agit d'une interruption temporaire des activités commerciales de MIL-QUIP puisque l'interruption ne pouvait se prolonger au-delà du 18 juin 2009, date de terminaison du contrat. Le Tribunal ne peut souscrire à cet argument. On ne saurait en effet prétendre d'une part que l'interruption temporaire – ou pour une période déterminée – continue jusqu'à la fin du contrat et, d'autre part, que le contrat demeure néanmoins toujours valide, tel que stipulé dans la clause pénale.
[39] La preuve démontre que MIL-QUIP a d'abord considérablement ralenti ses activités – et A.G.D. a modifié le contrat initial en conséquence pour lui permettre d'affronter ses difficultés que tous croyaient, à l'époque, temporaires – mais elles se sont amplifiées et MIL-QUIP a dû cesser complètement ses activités et, éventuellement, fermer ses portes.
[40] On est donc clairement face à une cessation permanente des activités de la défenderesse et face à une résiliation unilatérale du contrat de services par elle, faite en vertu de l'article 2125 C.c.Q. :

« 2125. Le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l'ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise.»
[41] Même la facture ultime P-4 porte la mention « Facture finale pour terminaison du contrat ».
[42] Enfin, ajoutons que le fait qu'il y ait un terme au contrat ne fait pas présumer qu'il y a renonciation des parties à invoquer la résiliation. La doctrine va en ce sens :

"Fixer un terme à un contrat de service n'équivaut pas à la renonciation à la résiliation unilatérale selon l'article 2125 C.c.Q. C'est justement dans un contrat de service à durée déterminée que la règle de l'article 2125 C.c.Q. manifeste sa plus grande utilité."
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/gQGyYc

Référence neutre: [2011] ABD 105

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