par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.
Est-ce que l'existence possible d'une transaction qui met fin à un litige entre des parties à une convention d'arbitrage fait obstacle à la juridiction d'un arbitre conventionnel? C'est la question qui était soumise à l'Honorable juge Alain Breault dans TIG Assembly Inc. c. Multi-assemblage inc. (2011 QCCQ 2125).
Dans cette affaire, la Cour est saisie par la Défenderesse d'un avis de dénonciation demandant que soit rejetée la requête introductive d'instance de la Demanderesse en homologation d'une transaction. Dans son avis de dénonciation, la Défenderesse soumet que les parties étant liées par un contrat de franchise dont l'une des clauses prévoit l'arbitrage des réclamations découlant du contrat, la requête introductive d'instance de la Demanderesse doit être rejetée, un arbitrage entre les parties étant de surcroît actuellement pendant en Ontario au sujet des mêmes faits.
Dans cette affaire, la Cour est saisie par la Défenderesse d'un avis de dénonciation demandant que soit rejetée la requête introductive d'instance de la Demanderesse en homologation d'une transaction. Dans son avis de dénonciation, la Défenderesse soumet que les parties étant liées par un contrat de franchise dont l'une des clauses prévoit l'arbitrage des réclamations découlant du contrat, la requête introductive d'instance de la Demanderesse doit être rejetée, un arbitrage entre les parties étant de surcroît actuellement pendant en Ontario au sujet des mêmes faits.
La Demanderesse rétorque en substance que le litige mû entre les parties au Québec est distinct et plus circonscrit que celui faisant l'objet de l'arbitrage en Ontario, puisqu'il s'agit en l'instance de déterminer si une transaction est intervenue au Québec, dont l'objet était de régler à l'amiable entre les parties un nouveau litige ou seulement une partie du litige les opposant en Ontario.
Le juge Breault, citant les enseignements de la Cour d'appel à cet effet, indique que c'est à l'arbitre que revient la tâche première de trancher les questions relatives à sa juridiction, dont la question de savoir si une transaction est intervenue entre les parties. Il accueille donc la requête de la Défenderesse:
[21] De l'avis du Tribunal, cette question est maintenant résolue en jurisprudence. Dans l'affaire Bombardier Transportation c. SMC Pneumatics (UK) Ltd., la Cour d'appel eut à trancher des questions similaires ou de même nature. Les éléments essentiels de la trame factuelle sur laquelle reposaient les questions en litige sont résumés aux paragraphes 17 et 18 de la décision:[...]
[22] La juge Bich expose son analyse en mentionnant d'abord ce qui suit:J'estime que la juge de première instance a eu raison d'accueillir le moyen déclinatoire de Bombardier en ce qui touche les factures impayées rattachées aux équipements dont la fourniture était prévue par le Contrat, bien qu'à mon avis il eût été préférable qu'elle ne se prononce pas sur l'existence ou l'inexistence d'une transaction entre les parties, à ce sujet, question qui aurait dû être soumise à l'instance arbitrale prévue par le Contrat. J'estime par ailleurs que la juge aurait dû également accueillir le moyen déclinatoire en ce qui touche les frais de garantie, Bombardier n'ayant jamais reconnu la compétence des autorités québécoises à cet égard.[...]
[24] Et conclut ainsi aux paragraphes 45 et 46 de l'arrêt:Bref, la question de la validité ou de l'applicabilité d'une clause d'arbitrage relève en principe de l'instance arbitrale et doit normalement lui être déférée. Il peut à cela y avoir exception, lorsque la nullité ou l'inapplicabilité dépend d'une question pure de droit ou ne nécessite qu'un examen superficiel de la procédure et de la preuve documentaire. Autrement, l'instance arbitrale doit prévaloir et le litige doit lui être renvoyé. Le tout est d'ailleurs conforme à la logique présidant aux articles 940.1, 940.6 (dans le cas où, comme ici, le litige met en cause des intérêts du commerce international) et 943 C.p.c.Les extraits ci-dessus des arrêts Dell et Rogers Sans-fil dictent, me semble-t-il, la voie à suivre en l'espèce, où il n'est aucunement question de la validité de la clause d'arbitrage, mais seulement de son applicabilité. SMC prétend que la clause est inapplicable parce que, en ce qui touche les factures impayées pour les équipements, le différend qui oppose les parties ne découle pas du Contrat stipulant cette clause, mais bien d'une transaction, acte juridique distinct. Bombardier, de son côté, conteste l'existence de cette transaction et prétend que, quoi qu'il en soit, le différend, qui relève bel et bien du Contrat, est donc assujetti à la clause d'arbitrage. Or, comme le jugement de première instance permet de le constater, la question de l'existence de la transaction, qui n'est pas une question de droit, mais une question de fait, vigoureusement débattue du reste, ne pouvait être résolue par l'examen superficiel des actes de procédure et de la preuve documentaire et elle n'avait rien d'évident. Comme le démontre éloquemment le jugement de première instance, une preuve complète était nécessaire et devait de surcroît être soumise à une analyse fouillée. Dans ces circonstances, la question de l'existence ou de l'inexistence de la transaction et, en réalité, la question de l'effet même de celle-ci sur la possibilité de recourir à l'arbitrage, vu la nature et le contenu de la transaction alléguée, auraient dû être déférées à l'arbitrage. La proposition déclinatoire que soutient Bombardier depuis le moment de sa comparution est donc bien fondée : SMC aurait dû recourir au processus d'arbitrage et accomplir les démarches prévues par le Contrat à cet égard.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/gxPudq
Référence neutre: [2011] ABD 106
Autre décision citée dans le présent billet:
1. Bombardier Transportation c. SMC Pneumatics (UK) Ltd., J.E. 2009-901 (C.A.).
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