jeudi 10 mars 2011

Le délai de déchéance de l'action en inopposabilité ne commence à courir qu'à partir de la connaissance du caractère frauduleux de la transaction attaquée

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En matière d'action en inopposabilité, le législateur a opté pour une certaine stabilité des transactions. C'est pourquoi il a édicté un délai de déchéance d'un an au lieu du délai habituel de prescription de 3 ans. Par ailleurs, comme le souligne l'Honorable juge Suzanne Tessier dans Nadon c. Tsigos (2011 QCCS 912), ce délai court non pas de la date de connaissance de l'acte attaqué, mais plutôt de la connaissance de son caractère frauduleux.


Par action en inopposabilité, les Demandeurs demandent au Tribunal de rendre inopposable la cession du 17 janvier 2005 d’un bien immobilier, soit la résidence familiale du Défendeur à son épouse au motif qu’elle a été faite au détriment des droits des créanciers. Un des arguments mis de l'avant par les Défendeurs est que le droit d'action est déchu, celle-ci ayant été intentée plus d'un an après la date de publication de la transaction au registre immobilier.

La juge Tessier rejette cette prétention et souligne que c'est la connaissance du caractère frauduleux de l'acte qui démarre la computation du délai de déchéance:
[40] Les auteurs Beaudoin et Jobin dans Les obligations, 6e édition écrivent au paragraphe 751:
751. – Point de départ du délai.- Le créancier qui agit à titre individuel dispose d’une période d’un an pour exercer les droits que lui confère l’action en inopposabilité (article 1635). Ce délai commence à courir le jour où le créancier a connaissance du préjudice qui résulte de l’acte attaqué, une connaissance qui est parfois difficile à acquérir compte tenu de la complexité des actes concernés et du déroulement des procédures qui mettent cette information au jour. Une amélioration sensible a été réalisée lors de la réforme, puisque le nouveau code situe le point de départ non plus à la connaissance de l’acte, mais plutôt à la connaissance de l’acte, générée par l’article 1040 de l’ancien Code prévaut toujours, quoique à un moindre degré. En effet, le créancier peut connaître l’existence de l’acte et donc le préjudice qu’il lui cause, mais ne découvrir que beaucoup plus tard son caractère frauduleux. Une condition sine qua non de l’exercice du recours étant la fraude, il semble injuste de priver le créancier du droit d’exercer l’action lorsque plus d’un an s’est écoulé à partir de la connaissance du préjudice qui résulte de l’acte, sans tenir compte de la date où il a pris connaissance du caractère frauduleux de cet acte. C’est d’ailleurs en tenant compte de cet élément que la jurisprudence récente en est venue à écarter la déchéance, malgré la lettre du Code, lorsque la connaissance du préjudice résultant de l’acte survient plus d’un an avant d’entreprendre l’action en inopposabilité, mais que le caractère frauduleux de cet acte est découvert à l’intérieur du délai d’un an, à charge pour le créancier de faire cette preuve. De telles situations sont toutefois relativement rares, puisqu’en pratique, la connaissance de l’existence de l’acte juridique, du préjudice qu’il cause et de son caractère frauduleux sont généralement concomitantes.
[41] Dans le dossier 550-17-000709-038, l'action est intentée le 10 janvier 2003. La créance est devenue liquide et exigible par jugement le 30 septembre 2005 et confirmée le 9 janvier 2006 par la Cour d’appel.
[42] Le 19 septembre 2006, le défendeur, Emmanuel Tsigos fait cession de ses biens. Les demandeurs sont inscrits à titre de créanciers ordinaires de la faillite et présentent dès le 21 novembre 2006 une requête en inopposabilité au moment où ils prennent connaissance du caractère frauduleux de la transaction.
[43] La preuve non contredite établit que les demandeurs ignoraient que l'immeuble ne faisait plus partie du patrimoine du débiteur. Les demandeurs l’ont appris après le jugement dans le cadre de ses procédures d’exécution.
[44] Le délai commence à courir à la date de la connaissance du caractère frauduleux de cette vente.
[45] Les demandeurs ont intenté le recours dans l’année de la connaissance de la fraude alléguée. Le Tribunal ne peut donc retenir l’argument que le recours est prescrit ni que le point de départ de la connaissance est l’acte de publication.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/hdwAhD

Référence neutre: [2011] ABD 80

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