mercredi 16 février 2011

Le fait pour un employé de soumettre un certificat médical falsifié n'équivaut pas nécessairement à un motif sérieux de congédiement

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Il est clair que le législateur québécois entend protéger, dans la mesure du raisonnable, la stabilité du lien d'emploi puisqu'il exige l'existence de motifs sérieux pour mettre fin à celui-ci. Les tribunaux, tant judiciaires qu'administratifs, ont donc placé la barre haute en la matière. Reste que certaines décisions sont à première vue particulièrement surprenantes. C'est le cas de l'affaire Schering-Plough Canada inc. c. Primeau (2011 QCCA 220), où la Cour d'appel a jugé raisonnable une décision de la Commission des relations du travail qui a jugé injustifié le congédiement d'un employé qui avait soumis un certificat médical falsifié.


L'Appelante a congédié l'Intimée après que celle-ci ai soumis un certificat médical falsifié. Sans surprise, l'Appelante évoque un bris du lien de confiance. La Commission des relations du travail juge cette sanction injustifiée. Même si la commissaire qualifie le geste posé par l'Intimée de « grave, assimilable à un acte criminel », elle conclut à l'absence de préméditation, au fait que l'Intimée elle-même n'a pas posé le geste de falsifier le certificat et au caractère isolé de l'événement.  L'Appelante fait valoir qu'il s'agit là d'une décision déraisonnable.

La Cour d'appel ne voit pas les choses du même oeil que l'Appelante. Au contraire, elle juge que le dossier ne révèle pas d'erreur commise par la Commissaire:
[6] Quant au caractère aggravant du comportement blâmable de l'intimée, l'appelante prétend que c'est la connaissance de la falsification, au moment de la remise du certificat par l'intimée à son employeur, qui importe pour mesurer l'impact de l'inconduite sur le lien de confiance. La commissaire a-t-elle erré en négligeant cet aspect de la préméditation?
[7] Si on lit attentivement le paragraphe 58 des motifs de la commissaire, on s'aperçoit qu'elle ne se trompe pas sur la probabilité que l'intimée avait connaissance de la fraude au moment de la remise du certificat. De plus, la lecture du paragraphe 61 fait voir que le commentaire sur la préméditation porte sur la falsification du certificat et non du choix de le soumettre à l'employeur. On ne peut pas alors dire, d'une part, que la commissaire a omis de considérer la connaissance coupable de la fraude et, d'autre part, on ne peut pas dire que la commissaire a fait une erreur sur la préméditation. Il convient de noter qu'elle n'est pas dupe des agissements de l'intimée mais, en tenant compte notamment du fait que l'intimée était vraiment malade, elle trouve que l'employeur est allé trop loin.
[8] La commissaire retient également que l'intimée n'occupe pas un « poste de confiance » au sein de l'entreprise (paragr. 66). Son inconduite justifie alors moins un congédiement pour cause de rupture du lien de confiance avec l'employeur.
[9] Bref, l'appelante ne fait pas voir une erreur qui rend la décision déraisonnable.
Commentaire:

Soit dit avec grand respect pour les décisions rendues par la Commission des relations du travail, la Cour supérieure et la Cour d'appel dans cette affaire, lorsque l'on arrive à la conclusion qu'il n'existe pas de motifs sérieux pour mettre fin à l'emploi d'une personne qui a sciemment soumis un certificat médical falsifié, on place un fardeau sur un employeur qui est beaucoup trop grand.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/giCDwq

Référence neutre: [2011] ABD 54

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