vendredi 14 janvier 2011

Est inopposable la clause contractuelle qui permet le remboursement des honoraires extrajudiciaires de la partie adverse en matière de recours hypothécaires

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En novembre dernier, nous attirions votre attention sur la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire Groupe Van Houtte, où la Cour confirmait la validité des clauses contractuelles de remboursement d'honoraires extrajudiciaires. Reste par ailleurs que le législateur prévoit parfois expressément des interdictions à ce chapitre. C'est le cas en matière de recours hypothécaire comme l'illustre l'affaire Banque de Montréal c. Équipements B. Morin inc. (2011 QCCS 30).


Dans cette affaire, la Demanderesse présente une requête en délaissement forcé et pour l'obtention d'une ordonnance de vente sous contrôle de justice de gré à gré. Elle demande plus précisément de constater le défaut de la Défenderesse, l'existence de sa créance et requiert une ordonnance de délaissement de biens meubles en vue d'une vente sous contrôle de justice de gré à gré. Pour sa part, la Défenderesse conteste l'inclusion d'une somme de 22 233,26 $, représentant des frais d'avocats, dans le calcul de la créance, en plus d'exiger que le tribunal ordonne l'évaluation des biens à être vendus qu'il prévoit une mise à prix et fixe les honoraires de la personne chargée de la vente. De plus, la Défenderesse conteste le calcul de certaines sommes réclamées à titre d'intérêt sur le capital au motif que le taux exigé n'est pas celui indiqué aux ententes de prêt.

L'Honorable juge Martin Bureau se penche d'abord sur la question du droit de la Demanderesse de réclamer le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires:
[19] Un des éléments importants du débat se retrouve dans la volonté par la demanderesse d'inclure dans sa créance garantie par hypothèque, les honoraires extrajudiciaires de ses procureurs.
[20] Bien que l'article 2762 al. 2 C.c.Q. mentionne spécifiquement ce qui suit :
"Nonobstant toute stipulation contraire, les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé."
la demanderesse soutient qu'elle est en droit d'exiger que soit ajouté à sa créance, non seulement des intérêts échus, mais les frais engagés, lesquels incluent, selon elle, les honoraires extrajudiciaires de ses procureurs.
[21] Les procureurs de la demanderesse, informés par le tribunal de son scepticisme quant à la recevabilité de cette réclamation, plaident que le paiement de ses frais extrajudiciaires est prévu dans les actes hypothécaires à la clause 4.13 (pièce P-3) de la façon suivante :
"Le client devra rembourser immédiatement à la Banque tous les honoraires et débours extrajudiciaires que la Banque aura déboursés ou au paiement desquels elle pourrait être tenue, dans le but de faire respecter par le Client toute obligation ou engagement qui lui incombent aux termes de la présente convention, ou enfin d'exercer ses droits ou de conserver, de protéger ou de rendre ses intérêts opposables, le tout jusqu'à concurrence d'une somme n'excédant pas 20 % du montant de l'hypothèque stipulé à l'article 9.3."
[22] Se fondant donc sur les dispositions de son acte d'hypothèque et invoquant à l'appui de ses arguments des décisions presque toutes antérieures à l'année 2002, la demanderesse maintient sa position et réclame que les frais extrajudiciaires fassent partie de la créance reconnue par le tribunal et garantie par l'hypothèque.
Le juge Bureau ne mâche pas ses mots en rejettant l'argumentation juridique de la Demanderesse. Il souligne que l'article 2762 C.c.Q. a été amendé spécifiquement pour mettre fin à la controverse jurisprudentielle qui existait quant à la possibilité pour un créancier hypothécaire de demander un tel remboursement:
[25] S'il est vrai que lorsque des clauses claires permettent d'exiger dans certaines circonstances le remboursement d'honoraires extrajudiciaires, aucune clause aussi claire soit-elle ne le permet depuis les modifications apportées au Code civil du Québec en 2002 en ce qui concerne l'exécution de garanties hypothécaires.
[26] C'est justement pour régler la controverse jurisprudentielle qui pouvait exister à l'époque que le législateur a voulu être très précis. Il semble que même si à peu près tous les auteurs et toutes les décisions prononcées depuis 2002 reconnaissent cette clarté et l'impossibilité pour un créancier hypothécaire d'inclure des honoraires extrajudiciaires dans sa créance garantie, la demanderesse, qui pourtant fait affaires de façon importante dans ce domaine, n'a pas encore accepté cette situation.
[...]
[28] Le tribunal est d'avis qu'il s'agit, en apparence à tout le moins, d'un abus de droit flagrant par la demanderesse et que celle-ci face à des débiteurs souvent démunis, semble encore exiger le remboursement à même la vente des biens donnés en garantie des honoraires extrajudiciaires bien que de façon très claire, la loi ne le permette plus en matière hypothécaire.
[29] Il est surprenant que des avocats qui représentent semble-t-il fréquemment la demanderesse (c'est du moins ce qu'indiquent les comptes d'honoraires en raison d'une réduction consentie à la demanderesse de 20 % fondée sur une entente relativement à la relation privilégiée entre celle-ci et ses procureurs) plaident encore ce que le tribunal considère une hérésie juridique.
[30] Tant en jurisprudence qu'en doctrine, il apparaît bien établi que même si des honoraires extrajudiciaires peuvent encore être réclamés dans diverses situations contractuelles, cela est carrément impossible en matière d'exercice de recours hypothécaire.
Référence: [2011] ABD 17

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