jeudi 6 janvier 2011

En l'absence d'une preuve concluante quant au lieu de formation du contrat, il est approprié pour la Cour de renvoyer le litige dans le district où la partie défenderesse est domiciliée

par Karim Renno
Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

L'article 68 (3) du Code de procédure civile permet à une partie demanderesse d'introduire son recours judiciaire dans le district où a été conclu le contrat qui donne lieu à la demande. Que faire lorsque la preuve est équivoque quant à ce lieu de formation? L'affaire Bois Langelier ltée. c. Ressources Lumber Inc. (2010 QCCA 2243) répond à cette question.


Dans cette affaire, l'Honorable juge Yves-Marie Morissette, à titre de juge des requêtes, est saisi d'une demande de permission d'en appeler d'un jugement ayant accueilli une exception déclinatoire et renvoyer un litige de Montréal à Québec. En effet, la juge de première instance en était venue à la conclusion que la preuve quant au lieu de conclusion du contrat qui donnait lieu à la demande, facteur sur lequel la Demanderesse se fondait pour justifier l'introduction de son recours dans le district de Montréal, n'était pas claire et qu'il fallait donc privilégier le district du domicile de la Défenderesse.

Le juge Morissette rejette la requête pour permission d'en appeler. Il note d'abord que lorsque le lieu de conclusion du contrat est contesté, c'est à la partie demanderesse d'établir la véracité de ses allégations:
[1] Lorsqu'une partie défenderesse conteste par un moyen déclinatoire que le lieu où a été conclu le contrat entre les parties (au sens du paragraphe 3 du premier alinéa de l'article 68 C.p.c.) n'est pas celui qu'allègue la partie demanderesse, il incombe à cette dernière d'établir par une preuve prépondérante la véracité des allégations ainsi attaquées (voir Baird c. Matol Botanical International Ltd., [1994] R.D.J. 282 (C.A.)).
La juge de première instance trouvant la preuve quant au lieu de conclusion du contrat équivoque, elle avait raison, selon le juge Morissette, de se rabattre sur la règle générale du domicile de la partie défenderesse:
[2] Or, en présence d'une preuve contradictoire sur cette question, les tribunaux choisissent parfois, selon les termes que j'emprunte à mon collègue le juge Dalphond, « de faire prévaloir la règle générale de l'assignation au domicile du défendeur, plutôt que l'exception du lieu de conclusion du contrat » (Schreiber c. Mulroney, B.E. 2008BE-1083, 2008 QCCA 1920, (C.A.. juge des requêtes); voir aussi Constructions Beauce-Atlas inc. c. Axa Assurances inc., J.E. 2004-1658 (C.S.) et Dynamitage Arsenault c. Béton provincial ltée, B.E. 2000BE-765 (C.S.)).
[3] En l'espèce, la juge de première instance s'est satisfaite que l'exception invoquée par la partie demanderesse ne pourrait s'appuyer sur un fondement univoque ou suffisamment ferme et elle a conclu que l'économie de la justice dictait de renvoyer le dossier de Montréal à Québec, lieu du domicile de la partie défenderesse où prévaut sans conteste la règle générale de l'article 68. Il importe en effet que litige porte prioritairement sur l'exécution ou l'inexécution du contrat plutôt que sur le lieu où il a été conclu.
Référence : [2011] ABD 6

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