Lorsque est mise en place une curatelle comme régime de protection et que deux curateurs différents sont nommés (un aux biens et un à la personne), est-ce que le curateur aux biens à la capacité d'ester en justice au nom de la personne sous le régime de protection? C'est précisément la question à laquelle était confrontée l'Honorable juge Diane Marcelin dans M.C. c. C.C. (2010 QCCS 6237).
Il s'agit en l'instance d'une requête en irrecevabilité. La Demanderesse agit pour et au nom de G... C... à titre de curatrice aux biens de ce dernier. Elle réclame du Défendeur la somme de 398 343,60$. Ce dernier, par le biais d'une requête en irrecevabilité, soutient que cette dernière n'a pas la capacité d'ester en justice pour car la curatelle a été divisée et c'est une autre personne qui a été nommée curatrice à la personne. Se fondant sur les articles 185, 187 et 188 C.c.Q. (lesquels prévoient qu'en matière de tutelle c'est le tuteur à la personne que a le pouvoir d'ester en justice), le Défendeur soutient qu'en appliquant mutatis mutandis ces articles à la curatelle, c'est la curatrice à la personne qui aurait dû intenter la requête et que par voie de conséquence, la requête introductive d'instance devrait être rejetée.
Le juge Marcelin indique d'abord que, en l'absence d'indications spécifiques du législateur, les règles propres à la tutelle ne sont pas nécessairement applicables à la curatelle:
[4] Il y a une grande différence dans le rôle du curateur et dans le rôle du tuteur soit au mineur, soit au majeur.
[5] Seule la curatelle bénéficie de la pleine administration alors que le tuteur, soit au mineur, soit au majeur, possède la simple administration des biens de la personne sous tutelle.
[6] Le rôle du curateur s'apparente au rôle de l'administrateur. Ce dernier, selon le Code civil, est chargé de la pleine administration. Il doit conserver, faire fructifier le patrimoine, accroître le patrimoine ou en réaliser l'affectation lorsque l'intérêt du bénéficiaire ou de la poursuite du but de la fiducie, l'exige. L'administrateur peut faire tout acte utile ou nécessaire y compris toute espèce de placement.
[7] Il faut venir à la conclusion que le curateur doit, pour conserver un patrimoine, si cela est nécessaire, aller chercher de l'argent où il se trouve. L'administrateur est celui qui a l'obligation de conserver et de faire fructifier le bien. Il a donc beaucoup plus d'obligations que le simple administrateur. Certes, dans le cas de la curatelle, il faut faire les ajustements nécessaires.
C'est spécifiquement parce que le curateur aux biens d'une personne a la pleine administration des biens que la juge Marcelin en vient à la conclusion que le curateur aux biens a le pouvoir d'ester en justice:
[9] Il faut voir que le législateur a décrété dans les cas de tutelles, que c'est le tuteur à la personne qui possède la capacité d'ester en justice pour les personnes sous tutelle. Cependant, le législateur est silencieux sur ce point pour la curatelle. À mon avis, le silence du législateur parle. S'il avait voulu le même régime, il l'aurait spécifié. Il ne l'a pas fait.
[10] Compte tenu de la différence que le législateur a faite, entre la pleine administration et la simple administration, je pense que l'administrateur aux biens, c'est-à-dire le curateur aux biens, jouissant de la pleine administration des biens du majeur protégé en vertu d'une curatelle a le pouvoir d'ester en justice.
Référence: [2010] ABD 208
Fait à noter, l'Honorable juge Marie-France Bich a accordé la permission d'en appeler de ce jugement dans 2010 QCCA 2407. C'est donc à suivre!
RépondreEffacerKarim Renno
Dans un jugement écrit par la juge Bich, la Cour d'appel a renversé cette décision. Le jugement est rapporté à J.E. 2011-1224.
RépondreEffacerKarim Renno